L’anglais dit bien les choses.
J’ai appris il y a quelques années qu’être une leapling, c’est être née un 29 février. Quand une réalité existe et que tu la vis de manière répétée mais que le mot n’existe pas dans ta langue maternelle, cela donne à réfléchir.
Au fait qu’en français on ne dit donc pas cette expérience nécessairement particulière d’être née un jour qui n’existe pas trois années sur quatre. D’être non pas effacée mais d’avoir dès le début été transparente, oubliée parfois des administrations, des célébrations à l’école et des actions-commerciales-pour-votre-anniversaire. Et oubliée des amis dont l’agenda numérique accomplit son strict office.
Et tu réfléchis aussi sur ce que cela te fait, à toi. Être une leapling te place en marge du déroulement du temps. Tu vois les choses défiler, et tu intègres dès ton plus jeune âge qu’il y a des cassures dans ce déroulement. La continuité n’est qu’une illusion. Tu intègres, par les questions répétées, qu’est-ce que ça fait d’être né un 29 février ?, que tu te situeras toujours dans la brèche.
Et il est vrai que, comparées aux années bissextiles, les années intercalaires sont un peu ternes et pesantes. A l’approche de la non-date, je me retrouve à raconter de plus en plus fréquemment que oui, je fête bien mon anniversaire, ajoutant avec un sourire que je peux le fêter les deux jours d’affilée, 28 février et 1er mars, pour compenser « mon » jour sauté. Contre mauvaise fortune faire bon coeur…
Mais cette année, il y a un 29 février et avec lui, un chiffre rond : 40 ans. Et je me suis rendu compte que la journée était une fête, moins pour moi que pour ceux qui me souhaitaient mon anniversaire : il y a ceux qui y pensent cette année puisque le jour existe [merci l’agenda numérique, merci FB !], il y a ceux qui en on fait une occasion spéciale à base de petits cadeaux délivrés en temps et en heure pour marquer le coup. Il y a bien sûr mes élèves [la question de l’anniversaire des profs étant un rituel d’une année scolaire], ceux qui me connaissent de l’an dernier renseignant ceux de cette année et ils étaient plusieurs à trépigner pour me le souhaiter à qui mieux mieux en entrant dans la salle, par mail, ou de manière tonitruante dans les couloirs au moment de quitter l’établissement vendredi soir. L’enthousiasme de mes proches et de mes élèves m’a rappelé que oui, ça y est, cette année c’est la bonne !
C’est aussi le jour de mes 40 ans. Ou de mes 10 ans pour être honnête et mieux correspondre à la réalité. Et je me suis offert une journée rien qu’à moi, rien que pour moi. Loin où je voulais, choyée avec qui je voulais, déroulée comme je voulais. Sans tenir compte d’aucune convention. We can be heroes, just for one day.
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To leap, c’est à la fois sauter, manquer.
Mais c’est aussi bondir et gambader.
Être une leapling, j’aime bien. Cela me correspond. A tout point de vue.
Note : j’ai raconté le pourquoi du comment d’être née un 29 février dans le billet Un conte bissextile…
Bon anniversaire... 🙂