Contempler la Méditerranée aux pieds de la statue d’Alexandre le Grand…
C’est ce que j’ai aimé à Thessalonique.
L’étendue azuréenne qui vient lécher les pieds d’une ville millefeuille un peu étrange. Un peu comme Naples, un peu comme Gênes, un port flamboyant de la Méditerranée qui au premier abord n’a justement rien de flamboyant.
Thessalonique est une ville de la mer sise aux pieds de montagnes couverte de forêts et de sites archéologiques (où l’on croise plus de tortues que de touristes). Une ville riche de l’Occident des Grecs et des Bulgares, bourrelée du souvenir des Turcs et des Juifs sépharades d’Espagne réfugiés là durant des siècles. Une ville aux paysages comme je les aime, des traces du passé qui émergent au milieu d’un écrin moderne, des strates qui s’empilent au petit bonheur la chance, sans chronologie, sans esthétique volontaire. On retrouve cela dans les assiettes, composées comme les mosaïques aux murs des églises : couleurs, contrastes, plaines d’Anatolie, montagnes des Rhodopes et mer hellène. On n’y a en bouche ni vraiment la Grèce, ni vraiment la Turquie, ni vraiment la Bulgarie, mais bien tout cela à la fois.
De ces villes où ce qui est exceptionnel n’est que peu mis en scène, et dont chaque coin de rue comporte son clin d’oeil romain, byzantin, ottoman. Ici un temple, là un arc de triomphe, ici une enceinte, là une église hiératique. Et tout autour, cet enchevêtrement d’hôtels du XIXème siècle au crépi rongé par les vents marins et d’immeubles des années 60 dont on se demande dans le monde entier « Mais à quoi pensait-on décidément en ces temps-là… ». C’est un peu tagué parfois, c’est un peu sale aussi, c’est en travaux, c’est en train de changer assurément : les anciens entrepôts du port réinvestis par celle que, partout, on appelle la « jeunesse dorée », sont devenus des cafés et restaurants dernier cri. Et pendant que les soirées pailletées y battent leur plein, les ruelles de la vieille ville accrochée à la colline (il faut mériter la vue sur la baie !) s’endorment paisiblement.
Je m’y sens bien. Il y a du Bombay ici : on y est surpris et rassuré à chaque instant. Une ville ancienne, nourrie de passages, assaillie si souvent par le temps qu’elle n’a rien de muséal ou de figé, qu’elle peut se permettre d’être en devenir permanent.
Au gré des rues autour de l’église Hagios Demetrios, un hammam ottoman du XVIè siècle…
Intriguée, je contourne, je scrute, je trouve l’entrée, je présage une aventure merveilleuse digne de la Mystérieuse Mosquée abandonnée dans un Coin du Désert en Iran (je dois te raconter ça). Et…
OK. Comme tant de choses en cette ville, ce hammam reste ce qu’il était mais n’est plus. Le Egli Yeni Hamam, c’était des bains pour les hommes et les femmes jusqu’en 1912. Un entrepôt ensuite. Un cinéma. Et il fut laissé à l’abandon. Thessalonique est faite de multiples destinées et de monuments changeants, des temples qui deviennent des églises, des mosquées et des musées. J’aime cette transhumance historique des lieux. Je m’y retrouve et m’y ressource.
Mon destin a changé ce jour-là… J’ai eu un flash.
« Être rousse », « faire des soirées mousse » : « devenir DJ Rou(ss)mouss ! »
C’est dit.
Je plaque tout et je m’installe comme DJ à Thessalonique.
Chère Chouyo,
Vous êtes brillante, comme d'hab: cette narration un tantinet conventionnelle pour arriver à cette chute ... personnelle.
Continuez à nous écrire !