Une ébauche de licorne par mes élèves.
Comme Stéphanie de Monaco, un prof se laisse parfois emporter.
Je ne parle pas ici des colères mémorables parce qu’un élève renégocie pour la dixième fois les conditions de rendu de copie ou parce que c’est la quatorzième fois que l’on frappe à ta porte pour un élève en retard, un mot à donner à la classe, un élève perdu, une information à donner à la classe, un élève retrouvé momifié dans le grenier, une annonce à faire à la classe, voire un élève qui s’est trompé de collège.
Non.
Je parle de ces moments où le sujet traité te fait partir dans un monologue outré, passionné, où point à tes paupières le picotement de larmes d’émotion ! C’est d’ailleurs la lutte première et finale de l’enseignement que celle-ci : un cours ne durant que 45 minutes [l’élève comme l’Education nationale ont le pouvoir de faire que 60 minutes se réduisent à 45], il faut y faire tenir une quantité d’informations, d’activités, de questions, de pourparlers et de diplomatie relativement dodue. Pas question donc de se laisser (trop) déborder.
L’histoire et la géographie ne sont pas en reste pour fournir des sujets qui enflamment, et l’actualité n’a de cesse de titiller : tout l’enjeu est alors d’évoquer la chose, de contenir la passion, d’ébaucher quelques pistes de réflexion pour les élèves et de rapidement te protéger derrière un « Mais revenons au cours« . Et de lutter contre la propension des élèves à te faire partir sur ces sujets qui te font parler longtemps, longtemps, longtemps et où, étrangement, ils n’écrivent rien, rien, rien. Jusque-là, c’est très classique.
Mais j’ai constaté depuis quelques mois qu’il m’arrive de me laisser gagner par des habitudes extérieures à la classe, l’écriture twitterienne et bloguesque au hasard, des références d’une pop culture générationnelle, qui ajoutent à mon discours des éléments quelque peu étranges pour les élèves.
La prof passe alors en mode loufoque, actrice dans sa propre classe, « Je pose ça là…« , ou commente ses propres gestes comme on le fait régulièrement sur Twitter : « Et c’est là que je me retourne et que dans un mouvement empreint de grâce je vous distribue vos copies !« . Et si tu retrouves des mini-licornes sur des cartes mentales ou l’évocation d’une triste destinée pour des peluches innocentes [aucune n’a été massacrée je vous rassure], il ne faut pas s’étonner…
Je n’ai pas encore tenté le « Tu bluffes, Martoni » à un élève qui me promet avoir oublié son devoir chez lui, ou énoncé de « Ivre virgule« , mais ça va venir.
Le décalage de génération fait que, de toute manière, tu te sens seul dans ces moments-là…
#LuiCEstCuir m’a déjà devancée…
Il y a quelques jours, je faisais étudier à mes élèves la lettre d’un poilu.
Conditions de vie dans les tranchées, souffrances, remises en cause, attente et lente désagrégation morale de celui dont la jambe est gangrénée et qui sait qu’il va mourir. Ce poilu interpelle sa femme dans sa dernière lettre, poignante. Il invective la guerre, prône le pacifisme, et parce que l’émotion transparaît dans chacun des mots, lors de la reprise je passe au « je » : « Regardez cette expression, notez bien le mot ici : ce poilu dit bien « Je ne voulais pas ça, je ne m’attendais pas à tout cela, je ne voulais pas cette horreur, ce qu’il dit au fond c’est, je n’ai rien à voir avec tout ça… c’était pas ma guerre !!! » « .
…
Tiens, c’est marrant, ça me dit quelque chose…
…
…
A 1’15 ».
Ah ouais.
Quand même.
Tu es une Rambo warrior !
@Nekkonezumi : mais à la différence de Rambo, je porte du vernis à ongles. Ce qui me donne une crédibilité un peu différente de la sienne quand je dis "c'était pas ma guerre"... ... ...
J'aime particulièrement la référence musicale... Tu prends bientôt l'avion ? 😉
@Des pas perdus : mouahahahah ! Naaaaan ! 😉