Le Bagh-e Daulatabad de Yazd, Iran.
Ce n’est pas un secret : l’Iran a une passion pour les jardins.
Mais pas seulement les bagh soignés et emplis de sérénité, mais les plantes, les herbes médicinales et les fleurs. Comestibles si possibles, les fleurs… Car non contents d’ajouter au thé roses, violettes ou safran, de créer des tisanes où se mêlent graines, fleurs, écorces et épices, c’est dans le jardin des simples que les Iraniens vont puiser la matière première de leurs boissons.
Ainsi, pour créer le sharbat, la boisson iranienne qui désaltère par excellence, il te suffit de choisir dans les échoppes un distillat, sirop, jus et sac de pétales parmi les dizaines de sortes proposées. Mélangés à de l’eau, des glaçons et du sucre, tu auras un premier goût de l’Iran.
Citron, cerise, mais aussi chèvrefeuille, saule ou marjolaine. Ben oui.
Du sirop de dattes ou du « goat willow » (saule ?) : on est là pour essayer !
Il est vrai que tu ne viendras pas pour l’alcool en Iran, parce qu’interdit bien qu’on le trouve partout sous le manteau. Mais ce sera l’occasion d’essayer une engeance démoniaque… la bière sans alcool [arf !] aromatisée au goût tropical [re-arf !] !
Je pense que des mesures internationales doivent absolument être prises.
Tu ne viendras pas non plus pour le café en Iran : ce dernier n’est pas une institution, et en instantané ou filtre, il n’a rien d’extraordinaire. Le café turc/grec parfois proposé est bien meilleur en Turquie, en Grèce et dans les Balkans. Quant au thé, même chose : comme dans bien des pays même jusqu’en Asie, impossible de passer outre l’insipide Lipton et malgré l’utilisation du samovar dans chaque cuisine, le thé proposé est très quelconque, fort, noir, sucré, on masque autant que possible la faible qualité du thé et au mieux celui-ci désaltère…
Au passage, les cafés sont rares. Cachés le plus possibles, car lieu de rencontre des couples en goguette, ils sont chers et ils faut les dégoter au fin fond de ruelles ou de galeries commerciales. Et les salons de thé, malgré ce que promettent les guides et les quelques adresses refaites pour le tourisme naissant, ne valent souvent pas le déplacement.
Continuons le voyage, car mon bonheur s’est situé ailleurs…
D’abord dans le délicieux doogh, équivalent iranien de l’ayran que l’on trouve en Arménie, Bulgarie et Turquie : du yaourt salé dilué à l’eau et frappé de glaçons, parfois agrémenté de menthe séchée. Il peut même être presque gazeux ! Moins onctueux que le lassi indien et non sucré, il est bien plus désaltérant aussi.
Mais ce sont surtout les échoppes de jus de fruits qui doivent absolument retenir ton attention.
Voici l’institution iranienne par excellence ! Grenades, carottes, cerises, mangues, melon, pastèque, bananes, agrémentés de glace à l’eau de rose, de pistaches écrasées, tout est possible et mixé devant toi.
Le jus de carottes agrémenté de glace à l’eau de rose a remporté haut la main le vote !
Onctueux, en quantité, frais et peu chers : ces jus sont un régal absolu et remplacent aisément un repas par la chaleur ambiante.
Mais ce qui est le plus improbable et donc le plus intéressant vendu parmi les étals de fruits et les mixers, c’est le sisymbrium irio.
Et ouais.
Un liquide un peu visqueux, sucré, dans lequel se livrent un bal endiablé de centaines millions de petites choses noires ressemblant à des paramécies… … … Je sais, j’ai l’art de vous faire saliver. Ne me remerciez pas. Et à côté du contenant présentant cette mixture au passant se trouve souvent le même liquide dans lequel de petites graines comme du sésame grillé tournent en tous sens. Il fallait donc que, ni une ni deux, je goûte à ces mixtures pour le moins excentriques et mystérieuses.
Celle avec les grains orange s’appelle le khak-e shir, prononcé [hrakéchire] et qui signifie « poussière de lait » (le persan, la poésie…) ce qui ne t’avance pas. Non plus que de savoir que celle avec les grains noirs s’appelle tokme sharbat ([tohrmé charbatte]). Pour t’aider, heureusement, est parfois noté que la première contient du sisymbrium irio… … … à savoir, de la roquette jaune, vélar ou herbe au chantre. Mais la seconde, tu la connais sûrement : ce sont des graines de chia, très à la mode actuellement pour être en bonne santé/avoir les dents blanches/perdre du poids/vendre du bio/retrouver sa jeunesse/sauver le monde (les baies de goji de 2016 en fait).
Alors au goût, l’un et l’autre sont ennoyés d’eau de rose et de sucre, agrémentés de glaçons et… c’est bon !!! Surtout ces petites graines croquent sous la dent, donnent un aspect très ludique à la dégustation et apportent leur arôme de plante médicinale directement cueillie dans le jardin. Découverte gustative donc, et réellement désaltérante par plus de 40° !
J’attends donc désormais avec impatience d’entendre lors de la prochaine canicule les hipsters se lancer : « Allez, ce soir on sort, on va se boire un jus d’herbe au chantre ! ».
... Mais la seconde, tu la connais sûrement : ce sont des graines de chia, très à la mode actuellement pour être en bonne santé...
Non ! Non ! Non ! Ce ne sont absolument pas les graines de chia ! Rien à avoir.
Ce sont des “Basil Seeds"
@Hervé : merci pour ce commentaire ! Et en fait je viens de chercher à nouveau et... je trouve les deux !!! Boisson aux graines de basilic ET boisson aux graines de chia (et toutes les deux pour l'Iran) ! Je m'interroge sur cette confusion sur les blogs et sites anglophones... Savez-vous pourquoi et comment être sûr que c'est l'un ou l'autre (chia ou basilic cela m'enchante tout autant ) ?
Non plus. Ce sont des graines de Sisymbrium qui est une espèce de roquette. La graine est très proche de celle du chia qui est la graine d'une sauge.