Tu sais que lorsque je voyage, la gastronomie du pays visité est une donnée essentielle.
Parce que cela dit beaucoup d’une culture, je furète dans les mets rares en osant tout, de la méduse au cricket en passant par le rat ou le puffin, mais je m’arrête surtout sur les habitudes culinaires réelles, ce que l’on mange au quotidien, chaque midi et chaque soir, dans la rue ou chez soi.
Alors aujourd’hui, je t’emmène en Géorgie pour te donner faim.
Viens, prends ma main, suis-moi…
La Géorgie était ma première incursion dans le Caucase. Je ne savais pas à quoi m’attendre, à tous points de vue, et notamment en matière culinaire : cela allait-il être la cuisine roborative et sans fioriture de l’Europe centrale ou bien celle raffinée et fantasque du Moyen Orient tout proche ? A part les grenades vantées dans les textes antiques, je n’en connaissais rien, et de plus en plus je me dis que ces histoires de miel et de lait coulant à flot, c’est de la propagande…
Très rapidement en Géorgie, un mot revient sur les enseignes et les menus en lettres elfiques, cyrilliques ou latines : khachapuri. Intriguée. Alléchée. Je fais tourner le mot sur ma langue et mon palais, râpeux et rond, et cette fin en puri qui rappelle les galettes gonflées de l’Inde et de l’Iran.
La chose prend progressivement un visage sur les photos collées aux murs des bouibouis et sur les étals de boulangerie, une espère de barque de pâte recouverte de fromage…
« Khachapuri » et « burek » partout, diététique nulle part…
Ni une, ni deux, je bondis sur l’idée de déguster une tarte au fromage. Je n’ai évidemment jusque-là aucune idée du goût, de la texture, ou de la taille. Le prix est si ridiculement bas (moins d’1€ le plus souvent) que je ne peux que prendre ma faim et ma gourmandise à pleine mains et me lancer :
« Un khachapuri, s’il-vous-plaît ! … Hein ? …. Ah oui, et bien… un grand ? Oui, allez, une grand ! ».
Innocente. Naïve. Idéaliste que j’étais !!! Je croyais pouvoir concilier khachapuri et frugalité, taille de pantalon raisonnable et aventure culinaire !
L’oeil de Sauron…
Que nenni, car c’était sans compter avec la générosité et la profusion dont fait preuve la Géorgie en toutes choses (les paysages, la cordialité, les fresques et le miam) : le khachapuri est la tarte dont Gargantua a laissé la recette aux Géorgiens uniquement pour qu’ils conquièrent le monde à coup de cholestérol.
Imagine une pâte à pizza moelleuse et aérienne comme seule Naples saurait te la proposer, en forme de petite barque, recouverte d’une quantité astronomique de fromage à pâte cuite savamment fondu et refondu, voire un tout petit peu grillé sur le dessus. C’est moelleux, gras, salé, c’est régressif à souhait…
… et surtout c’est énorme : en version « petite », la chose mesure bien 30cm de long, 20 de large et 5 d’épaisseur. Une grignoterie quoi.
Le coup de grâce vient quand au fur et à mesure de la vadrouille qui te mène de Tbilissi à Telavi, de Kutaisi à Akhaltikhe, de Gori à Uplitsikhe et Davit Garetja (oui, j’ai un peu sillonné le pays), tu découvres qu’il existe des variantes régionales toutes plus charnues les unes que les autres. La version Adjaran, appelée khachapuri Acharuli te propose par-dessus le fromage fondu un oeuf et une lichette bien généreuse de beurre. Mais tu peux aussi choisir la version achma où fromage et pâte sont assemblés en couches feuilletées, la version khachapuri Megruli qui préfère elle le fromage fondu dessus ET dedans, ou la Imeruli qui se la joue finaude et plate pour mieux dégouliner de fromage.
J’ai même trouvé une version avec chair à saucisse et fromage fondu. Quant à d’autres, j’en avais tellement plein les doigts et la bouche que je me suis demandé si la recette n’impliquait pas du fromage dessus, dedans ET DESSOUS…
Voilà.
Tu peux slurper ton écran…
Et sinon, un petit conseil d’amie en passant : ne demande JAMAIS une portion XL de quoi que ce soit en Géorgie. Il y a un risque réel d’ensevelissement…
J'adore lire tes récits de voyage et encore plus quand tu parles de gastronomie.
@Bergeou : merci beaucoup ! Hahaha, le pis c'est qu'en revoyant les photos et en les choisissant, cela me donne super faim... #LArroseurArrosé 😉
Aucun problème,j'ai toujours une petite verveine prête pour les grandes occasions culinaires !
@Reinemère : avec ça, je pense qu'on va fonctionner à 12 litres de verveine par heure ! 😉
Ah, mais depuis Staline le petit père des peuples, nous savons que les géorgiens sont généreux! ;-))
@Des pas perdus : absolument ! Et le musée Staline de Gori est un vrai délice... si, si... 😉
Tout cela est...merveilleusement appétissant!MIAM!
@Zaneema : c'est terriblement bon et gras et salé, donc c'est le truc dont tu te dis qu'il vaut mieux vite l'oublier 😉 (Et ne surtout pas essayer de le refaire chez soi, ce sera nécessairement moins bon ! )
Donc c'est un genre de calzonecroquemadamepâtéencroûte ? ça a l'air rafraîchissant comme tout 😀
@Nekkonezumi : exactement ! Et surtout tu fais le plein de gras et de sel pour le restant de tes jours en une bouchée 😉 #Pratique