Parmi les Objets Culturels Révélateurs d’Identité, en voici un qui m’a laissée confuse…
Nous sommes à Florence qui est, comme tout un chacun le sait, la capitale mondiale de la ribollita et du style médicéo-brunelleschien. Si tu ne le savais pas, tu es condamné à faire le tour à cloche-pied de ce blog…
On croise dans cette ville entre douze groupes de touristes et trois chef-d’oeuvre de la Renaissance par mètre carré, des Florentines. Oui. Moins blonde, moins outrancièrement maquillée, moins accompagnée de chihuahua que la Milanaise, mais tout de même enserrée de fourrure, décorée de parure, et accompagnée d’un animal aussi manucuré qu’elle : une copine ou un chien minuscule.
On pourrait donc croire que la gent féminine florentine ne se soucie que de l’agenda de son coiffeur et des horaires de son magasin Prada, ET POURTANT !!! La Florentine cache en réalité bien son jeu : ce qui l’inquiète avant tout, ce sont les aléas météorologiques et les risques encourus par ses escarpins.
J’en veux pour preuve cette découverte au détour d’un marché, qui m’a permis de sonder le mystère (insondable) qui gît au fond de tout dressing florentin qui se respecte…
Tadaaaaam !!!
« Mais pourquoi ??? », me crieras-tu dans un sursaut de fashion bon goût désespéré !
Parce que la crue, mon petit. Parce que la mode. Parce que la ribollita aussi.
D’abord, le caoutchouc. Indémodable tellement tu peux le contorsionner pour l’oublier au fond d’une cave sous un carton pendant des lustres voire le transmettre à tes petits-enfants.
Ensuite, l’esthétique imparable. Tu ne peux le nier, la forme aérodynamique et sobre à la fois te permettent de paraître toujours à l’avant-garde de la mode tout en affichant un petit côté old-fashioned qui va toujours bien. Cette botte est le côté Jackie Kennedy de la chaussure !
La rigueur enfin. On croit souvent que l’Italie c’est l’exubérance, le baroque, le maniérisme, le rococo : c’est faux. L’Italie c’est, avant tout autre chose, du roman, du gothique et du classicisme renaissant. Des lignes droites, de la sobriété, de l’austérité même. Et d’autant plus à Florence où le quant-à-soi des grandes famille a dicté l’univers visuel de la ville. On ne fait pas dans la fioriture, Madame !, on est des gens sérieux ici ! Et l’art étant science avant tout, la botte est donc science avant tout : d’où la graduation…
Car plus sérieusement, cette botte est un clin d’oeil aux crues centennales démentielles de l’Arno, la rivière qui coupe Florence en deux, et qui a régulièrement laissé la ville exsangue : la dernière date de 1966 et a fait des dégâts humains et artistiques qui ont profondément marqué la ville. L’eau a ennoyé les berges, emporté des personnes et un pont au passage, est montée jusqu’à Santa Maria Novella (donc à la gare) et l’on peut encore voir sur les murs de certaines églises, au Chiostro Verde et au couvent San Marco notamment, et sur le bas de certaines oeuvres d’art la marque des eaux furieuses qui ont mis deux jours à redescendre… Le splendide crucifix de Cimabue à Santa Croce ne s’en est pas remis.
Alors je suis certaine que, moins pour préserver leurs bas et leurs chevilles que pour courir les rues et sauver les chefs-d’oeuvres de la ville, toute Florentine qui se respecte possède une paire de ces superbes bottes dans son dressing. Et la graduation me diras-tu ? Hé… on est en Italie que diable… il faut bien pouvoir prouver que cette crue est la trop-plus-grande-crue-de-tous-les-temps-du-monde… !
Question du public déchaîné : les ai-je essayées ?
Non. Et j’ai bien fait : car je suis certaine que je m’y serais sentie bien, donc j’aurais demandé au vendeur de courir les autres étals et de farfouiller au fond de son camion pour m’en trouver une paire rose, donc je me retrouverais aujourd’hui avec ma paire de bottes en caoutchouc rose graduée à attendre la crue centennale parisienne au milieu de modeuses vertes de jalousie !
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Eeh Eeeeh Elles seraient en effet parfaites en rose avec un manteau à capuche ornée d'oreilles "cartoonesques" 😉
ps: Comme quoi sous leur apparence de "délire hors-sol" ces parures (dont on ne saurait nier l'utilité pratique) puisent leurs racines dans l'Histoire (proche & lointaine) de Florence aussi 🙂
a presto, Antoine
@ Timidoesteta : ah oui ! Je regrette encore ce manteau que j'avais vu sur une jeune fille dans le RER, tout duveteux avec des oreilles de panda : ça aurait été parfait ! Et j'aime pour ma part faire des hypothèses reliant mode et histoire, il y a toujours au moins une petite part de vrai 🙂
Y'a du niveau... (je sors) (je les trouve hyper rigolotes aussi :-))
@ Nekkonezumi : mouarf, joli 😉 Oui, j'aurais vraiment vraiment vraiment bien aimé les essayer... mais il aurait fallu continuer la graduation sur le jean pour que ça aille #OnEstScientifiqueOuOnNeLEstPas 😉