Au petit matin, sur les pentes de Veliko Tarnovo.
Me voici revenue de Bulgarie !
Bien des petites histoires à vous raconter et des photos à trier… mais d’abord les lessives : le temps printanier et le climat du pays m’ont obligée à passer de la neige des pentes du monastère de Rila aux rues ensoleillées de la côte de la mer Noire, de la pluie diluvienne de Sofia à la chaleur lourde des villes intérieures. Et grimper des rues pavées, redescendre des escaliers de théâtres antiques et s’enfoncer dans les églises orthodoxes sombres et enfumées, implique nécessairement d’empiler vestes polaires, legging, jeans et chaussettes, puis de les enlever à toute vitesse, de les remettre pour courir sous la pluie, avant de lézarder au soleil en T-shirt, puis de renfiler legging et chaussettes polaires et pashmina pour la nuit. Tout ceci à un rythme tel que l’on ne sait plus quoi est quoi, quoi a déjà été porté, et de glapir de joie en enfilant les derniers jours un jean et un T-shirt propres.
De retour chez soi, on contemple son sac et on se dit… finalement, je vais mettre le sac à dos tel quel dans la machine, ce sera plus simple !
***Pause vestimentaire*** J’avoue qu’une grave question s’est posée ce voyage : habituée aux voyages climatiquement simples du genre un bon froid semi-polaire islandais ou himalayen, ou une chaleur bien sentie (sèche ou humide ça ne change rien), ou encore deux jours très froids sur un mois très chaud, je me suis demandée quel meilleur veste/polaire/coupe-vent serait le plus adapté au climat mouvant, pour faire face à la fois au froid éventuel, à la pluie éventuelle et à la chaleur printanière en une même journée, sans rentrer à la guesthouse, sans se charger trop, sans devoir se dévêtir et se rhabiller toutes les deux minutes ? Je suis avide de tes idées (surtout si elles impliquent du rose). ***Fin de la pause vestimentaire***
Une partie du théâtre romain de Plovdiv : les gradins de l’autre côté sont quasi intacts…
La Bulgarie est relativement délaissée dans les voyages européens. On en parle peu, on ne la connaît pas du tout, et moi la première. Le choix s’est fait sur une idée folle, le jeu de la découverte et du hasard, même si finalement on retrouve une logique dans mes itinéraires européens : je repousse la limite de manière circulaire avec des incursions ciblées, incluant doucement des cultures juste effleurées dans les voyages précédents. De l’Italie approfondie depuis deux décennies aux Balkans picorées depuis quelques années à quelques incursions rapides en Europe centrale et plus longues en Turquie et dans le Caucase… Il me reste encore au centre de ce cercle quelques pays à découvrir, dont la Bulgarie.
Alors ? Je ne savais pas vraiment ce que j’allais trouver. J’espérais surtout le contraire de ce que des propos vulgaires entendus sur la gent féminine, les bars et la mafia locale avaient pu laisser entrevoir. J’espérais fausse la rumeur d’une attitude tout aussi désagréable que celle en Hongrie à l’égard des touristes, les nationalismes exacerbés conduisant à des comportements réellement insultants, répétés et injustifiés, qui chagrinent évidemment le voyageur, aussi respectueux et ouvert soit-il (on dira que c’est le problème de la langue hein… moui moui moui… ce n’est pas faute de les avoir toutes essayées en fait et d’avoir été dans des situations linguistiquement bien plus complexes sans recevoir pour autant le même accueil qu’en Hongrie…). Voici donc le portrait qui se dessinait quand j’endossais mon sac pour galoper vers l’avion : un pays pauvre voire très pauvre, une capitale décriée par tous ceux dont le centre d’intérêt ne se limite pas aux sex shops et aux peep shows, une sorte de black-out sur le reste du pays, une côte de la mer Noire que l’on pressent à juste titre comme bénidormisée à la mode soviétique, béton partout, hôtels à moitié construits, promoteurs véreux, littoral détruit…
… et les réminiscences d’un passé incroyablement riche.
Une moitié du territoire a été aux mains des Thraces pendant plus d’un millénaire avant notre ère, une civilisation ô combien brillante qui a laissé des tombeaux sculptés au fin fond des campagnes, et des trésors qui tournent régulièrement dans nos musées (par exemple la très belle exposition « L’Or des Thraces » du musée Jacquemart-André en 2006-2007). De l’orfèvrerie de toute beauté, des hanaps, des boucles et bijoux ciselés évoquant la vie tribale de cette époque, puis une valse de civilisations brillantes qui n’ont eu de cesse de laisser chacune leur tour des traces monumentales : Philippe II et la dynastie macédonienne puis l’Empire romain qui construisent théâtres, stades et portiques, puis les tribus d’Asie centrale dont celles des Bulgares arrivent et façonnent à nouveau le paysage avec leurs forteresses et la culture avec un alphabet runique et de nouvelles traditions, tout en se coltinant sans cesse à l’Empire byzantin tout proche qui finit par s’installer dans la région, y laissant des églises, des thermes et tous les codes iconographiques impériaux. Là surgit, yihaaaaa !, le brillant Second Empire bulgare entre le XIè et le XIVè siècle, incroyablement vaste où jaillissent partout monastères et églises aux parois recouvertes de fresques. Sous la houlette ottomane, les mosquées apparaissent et des traditions, culinaires, linguistiques, s’imposent, avant l’Eveil national, cette Renaissance bulgare du XIXè siècle, qui voit s’épanouir les arts, la littérature, une architecture et une élite proclamés comme spécifiquement bulgares. Et à tout ça s’ajoute enfin le lent effondrement du nouveau royaume, au gré des vicissitudes des guerres des Balkans et des guerres mondiales. Le pays se fait démocratie populaire avant de rétablir un Etat de droit et multipartite en 1990, intégrant après une suite de catastrophes économiques l‘Union européenne en 2007…
Romain, ottoman et Eveil national : le triplé gagnant.
Du pêle-mêle, c’est l’impression que donne l’histoire bulgare, et qui pourrait justifier un certain chaos… Et pourtant, la première chose que l’on retient de la Bulgarie c’est son intense cohérence d’un bout à l’autre du pays. Même si visuellement les strates historiques se superposent, les barres communistes dans les banlieues des villes et les routes qui survolent un forum romain, les maisonnettes aux toits de tuiles sous une montagne hérissée d’un monument à la gloire du soldat socialiste, il y a une cohérence forte qui se dégage du pays. Plusieurs éléments y concourent : bien sûr, la langue et l’orthodoxie communes à toutes les régions malgré quelques communautés spécifiques, un sentiment national aussi fort qu’il a été mis à mal des siècles durant, une intégration de chaque région à l’ensemble du pays grâce à un réseau de transports routier et ferroviaire extrêmement efficace, fiable et peu cher.
Qui m’a finalement conduite, de bus en trains, à sillonner les plaines immenses, la côte et à gravir les pentes de montagnes surgies soudainement et suivre un itinéraire de Sofia et ses alentours avec la sublime Bojana et Rila, à Burgas, Nessebar et Varna, puis à Veliko Tarnovo et les monastères autour, à Plovdiv et Bachkovo. Premier tour d’horizon de la Bulgarie avant un jour de revenir et d’approfondir encore.
Fresques de l’Eglise du Saint-Sauveur datant du XVIIè siècle, Nessebar.
La très pompeuse cathédrale Saint-Alexandre Nevski de Sofia.
Un ancien palais témoignant de la richesse de Varna, sur la côte de la mer Noire.
Les petites rues populaires d’une capitale plate, ombragée, pavée, si agréable : Sofia.
Le monastère de Rila.
Fresques du XIXè siècle du monastère de Rila.
Vadrouille donc. Observer, écouter, attendre, se trouver une place dans le bus bondé et courir pour grimper dans le train. S’étonner du calme incroyable et de la tranquillité des gens. Le sentiment diffus aussi d’un écroulement démographique : l’impression d’un Cambodge inversé (on prend là-bas soudain conscience que personne n’a plus de 45 ans, génocide oblige…), ici on ne croise que des « vieux ». Plus de 35 ans grand minimum, très peu d’enfants, encore moins de jeunes, un taux de natalité proche du plancher et une constante émigration de travail. Cette incroyable francophilie qui fait adopter des mots français en bulgare ( « mersi » pour merci) mais aussi parler couramment nombre de personnes croisées. Et l’addiction des Bulgares au café : on trouve des machines et des vendeurs qui vendent dans des gobelets de plastique un breuvage serré voire raide tous les deux mètres au moins !
Et la gastronomie… alors là, c’est la véritable surprise du voyage : mais je te laisse te pourlécher les babines, j’en reparlerai. Je dois me remettre des brochettes de porc et de poulet à 800g la portion, des kebabs de 1kg, des pains délicieux, des salades gigantesques, des ragoûts incroyablement fins, du yaourt et de l’ayran, et des charcuteries…
De cette première vadrouille en Bulgarie, pays qui n’est pas le coup de coeur qu’a été la Géorgie mais au charme indéniable, je ne retiens qu’une ombre au tableau. La Bulgarie, c’est la catastrophe musicale absolue. Oui certes les chants polyphoniques ou à une seule note tenue c’est magnifique, mais pour ce qui est de l’ambiance musicale réelle au quotidien… moi qui pensais avoir été vaccinée avec les Balkans, avoir tout subi avec la Chine et l’Inde, là… Il faut t’imaginer que radios, télés et sonneries de portables ne tournent QUE sur Katy Perry et Lady Gaga, la vulgarité et le son synthétique élevés au rang de chant et de musique, entrecoupées de remix improbables de Nirvana en électro-rap et de toute la dance des années 90. TOUTE. Et la francophilie n’aide en rien puisque s’y ajoutent en même temps les trémolos gluants d’Indila et les niaiseries d’Alizée.
Heureusement, l’icône musicale nationale relève le niveau… ahem…
J’aurais pu. Mais je n’ai pas.
Je retiens surtout la météo particulièrement estivale sur les hauteurs de Rila... ;-))
Frisquet au milieu des fresques...
@Christophe : mouarf, oui, il faisait vraiment bien froid ce jour-là ! C'était le cas aussi quand tu y étais allé ? En tout cas, pensées pour toi et la nuit passée au pied d'un monastère (je ne savais plus si c'était celui-ci ou un autre) !
J'ai une super idée très rose pour la valise multi-météo : emporter plein plein d'affaires sans réfléchir et un très joli porteur. Non, je n'ai pas dit ça, je le nierai jusqu'au bout.
@Nekkonezumi : haha, excellente idée ! Et le porteur... je peux l'habiller un tout petit peu en rose aussi (j'ai vu un T-shirt Titi et Grominet rose pâle, je suis sûre que ça lui irait trop bien) ?
Ok, mais moulant, alors.
@ Nekkonezumi : hmmmm... mais OUIIIII !!! 😉
J'ai fait le tour de la Bulgarie en vélo il y a deux ans. Je ne connaissais pas et comme toi est en repoussant mes frontières de visite que je suis allée explorer ce. Pays que j'ai beaucoup aimé
A te lire je revis mes semaines de vélo a ma rencontre des gens et du pays montagne froide et bord de mer brûlant.
Merci
@ Lea : en vélo, l'expérience doit être plus proche encore ! Et vues les plaines centrales, cela doit être plutôt plat et agréable comme voyage à part pour monter aux monastères ?
J'ai des boules Quiès roses.A ta disposition pour ton prochain voyage,ce serait trop dommage que tu ne nous fasses pas encore rêver !!! Sans bande son cette fois-ci,pouah !!!
@ Reinemère : hihihi, bon, j'accepte les boules Quiès roses (d'ailleurs, je ne voyage jamais sans mes boules Quiès) ! Mais comment ça... tu n'aimes pas Alizé suivie de Lady Gaga ??? 😉
Euhhhh,je jokérise avec François Béranger !!!
@ Reinemère : je... je ne sais pas qui c'est, et nooooon je n'irai pas voir !!! #JeTiendrai