Fermement athée, je pense pourtant qu’une de mes expériences préférées est celle de la foi.
Ce pas vers l’irrationnel qu’il m’est impossible d’accomplir, j’aime l’observer chez d’autres : croire… et une suite de gestes, de rites, de paroles pour manifester cette croyance, voire même l’engendrer ; croire… et exprimer le besoin de transcendance, d’espérance, le rapport au divin ; croire… et recréer le lien, souder la communauté, manifester l’appartenance au groupe.
Extérieure, j’apprécie le recueillement et la conviction qui transparaissent, le faire-qui-fait-croire qui imprègne souvent la ferveur. J’aime décortiquer les pratiques de dévotion, en écouter les justifications, mais j’aime surtout y déceler l’humain : les espoirs, les peurs, une vision du monde et une culture toute entière finalement.
Je multiplie donc les occasions pour jeter un coup d’oeil, écouter quelques minutes, saisir quelques mots. Et la tentation est grande à chaque lieu de culte que je croise. Un bout de messe, une esquisse de procession, un zeste de prière ou un murmure d’incantation. Et cela finit par une messe orthodoxe dans l’église russe de Paris ou dans une église de Kotor, une des multiples puja des non moins multiples cultes hindous, un exorcisme soufi dans un sanctuaire de Bombay, une messe pascale dans l’église grecque orthodoxe de Calcutta, une prière dans la mosquée de Berat ou dans celle de Kuala Lumpur, les gestes précis du shinto japonais à Kyotô ou le jet de bâtonnets et de lunes de bois dans un temple de Quanzhou. Un corps penché au-dessus d’une vasque à encens dans un temple taïwanais, une assemblée murmurante dans un temple bouddhiste laotien ou même une méditation bahaï… c’est dire si je suis prête à tout !
Sans doute y cherché-je moins les grandes lignes d’un culte que les traditions de la piété populaire, manifestation la moins institutionnelle d’une religion, la plus locale et la plus personnelle. Voir sur les autels des offrandes de fruits et des couronnes de fleurs au cou de Jésus comme dans un temple hindou, observer le syncrétisme dans une transe de candomblé brésilien, dans l’art de la santeria cubaine ou sur les bannières des processions péruviennes, chercher ce qui dénote de religions préexistantes ou concomitantes, déceler le mélange, le métissage et les survivances de superstitions locales. Et cela se manifestant autant dans l’ailleurs exotique que dans de petites paroisses montagnardes, rurales et parfois même urbaines. Ce qui donne à mes yeux toute sa valeur au cadre volontairement (et nécessairement) épuré et corseté de l’institution religieuse c’est justement cette foi concrète, quotidienne et parfois fantasque (je te reparlerai de l’adoption des crânes à Naples).
Et même le catholicisme apostolique romain, dont les impulsions centrifuges le font parfois voir comme monolithique et homogène, a des manifestations régionales très différentes parfois. Les fidèles ne sont pas les mêmes, les histoires non plus, les Eglises nationales tout aussi peu. Et quand bien même les dogmes et les rites sont identiques, les petites églises maltaises seront bondées, peuplées à en dégorger sur le parvis, et la ferveur calme d’un auditoire relativement jeune fera s’élever un chant maîtrisé sous les coupoles repeintes de frais… tandis qu’à Saõ Francesco de Salvador do Bahia on saisira tes mains, on t’embrassera et on plantera le regard dans tes yeux avec bien plus de chaleur que ne le laissent supposer les pratiques vécues en France… tandis qu’en Italie, chacun priera isolément au milieu d’une communauté paroissiale éparse, aux cheveux grisonnants, dans une église baroque colossale.
En Arménie, la majorité de la population est d’obédience catholique apostolique arménienne. Etat chrétien le plus ancien qui a son propre pape à Echmiadzin, la foi s’y exprime architecturalement par des églises souvent colossales mais austères et sombres, et par des ex-votos ciselés dans la pierre (voir ce billet). Une foi monolithique au sens propre, institutionnellement et artistiquement. Mais en s’éloignant de Yerevan et des rares sites vraiment touristiques du pays (en gros Echmiadzin (le Vatican arménien, décevant architecturalement et artistiquement), Geghard (sublimissime) et Khor Virap (pour le paysage ouvert sur le mont Ararat, de l’autre côté de la frontière avec la Turquie), et le lac Sevan (entouré de quelques monastères anciens magnifiques sur sa berge septentrionale)) où les messes et les rites arméniens sont scrupuleusement respectés, on découvre comme ailleurs des dévotions populaires moins encadrées…
Il suffit de s’éloigner de la nef principale, de plisser les yeux pour percer l’ombre, de regarder les murs noircis par la flamme ou de gravir des blocs de pierre ou des ruines d’églises. Sans recourir à l’intervention d’un prêtre ou d’un moine, les Arméniens dialoguent avec le divin, à même la pierre à nouveau.
Comme dans les églises rurales, des habitudes perdurent.
Les débris d’allumettes et les restes de bougies consumées loin des chandeliers, au bord d’une corniche ou dans un autel creusé dans la pierre. Des photos et des images pieuses. Des livres ouverts aux pages cornées, aux marges noircies par les doigts qui ont feuilleté.
Des bonbons déposés au pied d’un autel.
Un linge délicatement étalé figurant le Saint Suaire, un oeuf aussi et plus loin dans une niche une chaussure d’enfant sur la pierre noircie.
Cachés dans des recoins bien plus fréquentés que l’autel principal, la piété populaire s’exprime envers les disparus chers et ceux trop longtemps attendus.
Et cette religiosité spontanée, ritualiste, simpliste aussi mais pleine d’espérance, c’est elle qui m’émeut.
Elles sont belles tes photos, j'adore la cire fondue et refroidie de la dernière 🙂
Moins attirée que toi par la pratique des autres, je dois quand même dire qu'il m'arrive régulièrement qu'un lieu ou une atmosphère me saisisse par l'esprit. Et c'est d'ailleurs si inattendu quand c'est le cas que du coup je suis plus remuée même qu'à l'époque où je croyais encore, c'est drôle...
@ Nekkonezumi : oh ça c'est très intéressant... je crois que pour ma part, qui n'ai jamais cru, c'est justement aussi l'émotion de celui qui croit ou celle contenue dans le lieu de ferveur qui me remue. Tout l'espoir que l'on y met, tout l'investissement aussi.
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