J’ai perdu mon passeport.
Il y a quelques semaines en fait, je l’ai perdu de la manière la plus idiote qui soit, dans l’avion. Preuve de ma fatigue et de mon abattement ce jour-là. J’ai bien évidemment immédiatement contacté toutes les personnes possibles et imaginables, en italien en anglais en français, mais ni la compagnie, ni les aéroports, ni les deux pôles de police (à Paris et Rome), ni les accueils, ni les objets trouvés n’en avaient vu la couleur.
En soi ce n’est pas bien grave : cela se renouvelle, le coût est remboursé par mon assurance. Et c’est d’autant moins important que j’avais (bien inspirée ce jour-là) scanné les tampons d’immigration et visas des destinations où j’étais allée vadrouiller. Les souvenirs sont de surcroît bien plus tangibles que quelques feuilles de papier.
Et pourtant, symbolique quand tu nous tiens… C’était mon passeport qui sentait l’Inde. Qui m’en avait ouvert la porte non du voyage (j’y suis allée avec un passeport précédent) mais de l’expatriation. Dans la même pochette il y avait mon livret du FRRO, preuve d’enregistrement des étrangers vivant en Inde. Ces deux livrets, je les ai attendus plusieurs fois avec impatience dans la chaleur moite du bureau d’immigration, ils étaient mon sésame pour me gorger d’Inde et pour m’en libérer.
Le perdre ?
Chouyo ailes coupées.
Exclue de ma zone. Petit carnet perdu, une porte qui se ferme. Certaines personnes n’en ont pas et moi je m’y raccroche comme à une bouée ? Etrange addiction. Alors j’ai attendu un peu pour le refaire, laissant la symbolique tout comme le papier reprendre leur place.
Et…
… munie de mon nouveau passeport, me voilà donc repartie.
Pour étrenner le nouveau sésame, une vraie vadrouille. Vite quitter la Croatie, traverser le Monténégro et arriver en Albanie. De celles où la boussole permet de vérifier que le furgon part dans la bonne direction et de trouver l’église qui est au sud de tel lieu, où le couteau découpe fruits et fromages achetés en bord de route, où les lingettes décrassent la peau empoussiérée par les haltes routières. Où les réflexes imprimés dans ton inconscient resurgissent, chaînette et cadenas hérités des consignes et trains d’Asie et d’Amérique latine, le pain de lessive pour rester présentable et la lampe de poche dynamo pour ne pas se vautrer dans les toilettes plongées dans le noir lors des coupures de courant.
Tu sais que tu ne porteras plus les vêtements choisis pour ces 10 jours pendant un mois tant tu les auras vus et revus, tu sais aussi que tu vas devoir être des plus flexibles et adaptables, que le bus partira avec deux heures de retard, te faisant louper un autre bus. Qu’il faudra trouver un endroit où dormir chaque soir, que tu languiras au bout d’un temps le simple fait d’ouvrir ton propre frigo.
Mais tu joueras pieds nus avec la ligne de l’horizon.
Le soleil enfin resplendissant irisant ta peau.
Se ressourcer, fermer des portes, en ouvrir d’autres.
Et mes ailes, doucement, repoussent…
La chance, la chance, la chance! La vraie vadrouille me manque!
Sinon, pour le passeport, j'avais vu que tu l'avais renouvellé et j'allais te demander si tu avais pu le conserver (ben non, du coup). Le mien vient de périmer, il faut que je le renouvelle, et j'ai lu que tu devais obligatoirement rendre l'ancien pour obtenir le nouveau. J'ai 10 ans de vadrouille dans mon passeport, 4 ans de visa indiens, des tampons et des autocollants partout. Pareil, ce ne sont que des bouts de papier, mais c'est putain 10 ans de ma vie condenséss en 30 pages. Et ça, je ne peux pas m'en defaire... Bon, va falloir négocier avec les autorités françaises alors...
@Blogi : oui cela m'avait manqué à moi aussi j'avoue... 🙂
Tu as deux possibilités pour garder ton ancien passeport en fait, soit tu as un visa en cours de validité et donc tu n'as pas à le rendre (tu peux éventuellement faire faire un visa pour n'importe quel pays qui soit à 20€ par exemple), soit tu l'as perdu ou on te l'a volé...
Muuuffffff... Je compte alors commencer à voyager avec mon autre passeport et ne pas renouveller le français (ou faire semblant de le perdre, mais c'est chiant)(le lusssxe d'avoir 2 nationalités), car eux, au moins, ils sont moins cons. Ils annulent ton passeport avec 2 beaux trous de perforatrice et ils te le rendent avec le nouveau.
@Blogi : franchement, tu sais, vu le comportement de Billi il y a de très fortes chances pour que tu le perdes entre deux croquettes. Le passeport pourrait glisser sous le lit et Billi le dévorer. Le passeport pourrait atterrir malencontreusement dans la poubelle parce que Billi l'y a caché. On ne sait pas comment peut finir un passeport avec Billi dans les parages... 😉
Bien le Danemark, très bieeeen !
Mon passeport,je le garde très précieusement,mes visas indiens,mes extensions de visas écrites à la main qui avaient nécessité tant d'heures d'attente dans les bureaux de Delhi et en Himachal,retracent l'épopée de mon mariage là-bas...et cette dernière signature verte de l'officier qui m'a déclaré tout en me rendant mon passeport:"Vous voilà Belle -fille de l Inde désormais".Ah ça oui je crois que ce passeport là ,je vais le "perdre" au moment de son renouvellement...
@Zaneema : et là je te comprends encore plus ! Il y a un souvenir incontournable, et aussi... une preuve, au cas où les dossiers en Inde se perdent, tu pourras toujours prouver ton mariage avec ce passeport (oui je suis prudente 😉 ) ! 🙂
Car c'est de la lumière que viendra la lumière. Et resplendira. 😉
C'est un drôle de symbole cette histoire...