Je suis sûre que l’Inde te manque. Ou bien que tu as envie de préparer ton voyage dans les meilleures conditions. Ou encore que tu veux découvrir le fond mystérieux des arcanes secrètes de la culture indienne. Alors, pour toi, j’ai sélectionné quelques jeux flash qui vont occuper tes mornes journées au bureau (ou tes torrides nuits au bureau, selon tes horaires de travail) voire même la fin de tes vacances. Bien évidement, ce n’est pas la qualité du jeu qui me préoccupe, non plus que ses graphismes, sa conception, sa musique d’ambiance (aaaargh !) ou son scénario. Juste ce qu’il nous dit de l’Inde…

Commençons donc avec les vraies valeurs de la vie, c’est-à-dire la seule chose à laquelle toute femme et tout homme pense depuis la naissance, voire depuis sa vie précédente : le bon mariage.

Le premier obstacle à lever en la matière est, tradition cinématographique oblige, de terrasser le rival dans le coeur de ma’am à coups de poing et de moustache. Il s’interpose entre toi et dulcinéewalli, il arbore chemise ouverte, chaîne en or qui brille (oui, une chanson rien que pour toi), moustache et pattes d’éph’, il roule des hanches et des épaules comme dans le film tamoul Paravasamayi mais, fort heureusement et grâce à l’ingéniosité incroyaaaable des scénaristes, il finira par rouler dans la poussière, le caniveau et la bouse de vache sous tes poings fermes quoique délicats.

Dulcinéewalli sauvée des eaux de mousson et du rival, les véritables hostilités commencent enfin : accomplir parfaitement les rituels du Mariage arrangé indien. Plusieurs tableaux impliquant le futur, la future, la belle-mère, les cousins des oncles des voisins de la tante par alliance te mettent face à la tâche (digne des plus grands héros de l’Antiquité (qui certes n’arrivent qu’à la cheville des héros du Mahabharata)) de ne pas tomber dans les pièges sournois que te tendent une trop grande modernité de pensée ou une incongrue recherche du désir et de l’épanouissement. A toi donc de slalomer avec la vivacité du rickshaw entre les embûches : « dire la vérité » lors de l’entretien parental, « être honnête » avec le/a promis(e) ou « vouloir coucher le premier soir pour vérifier que ta vie entière ne sera pas faite que de frustration ». Caricatural ? Ah… mais non.

L’étape finale, avant de convoler en justes noces et de concevoir, sera de s’occuper de la dot. Oui, toujours d’actualité en Inde et même largement, le biennommé Angry Brides donne la part belle à la promise, enragée que le promis et sa belle-famille demandent entre 15 lakhs (le cours actuel de l’ouvrier sur le marché du mariage) à 35 lakhs (pour le fonctionnaire). Le pauvre petit beta*-à-marier se prend une multitudes de projectiles en pleine figure, et c’est une bonne chose : déchaînez-vous mesdames, il y a encore du boulot en la matière…

Enfin marié avec dulcinéewalli (qui se transforme, à force sucreries, enfantements et hurlements sur les domestiques, en matronewalli), tu as atteint tout ce que la vie peut t’apporter. Heureux, tu commences à épargner pour mettre l’enfant-chéri-qui-est-nécessairement-un-fils dans la meilleure école privée d’Inde, voire du monde. Mais là intervient… la vie réelle. Ah oui, tu l’avais oubliée celle-là : celle qui se paie, qui se monnaie, qui glisse la main sous la table (pour donner des liasses de billets. Je précise. Au cas où…). Chaque étape importante ou insignifiante de ta vie va désormais être tendue vers le nombre de billets à aligner, pour obtenir qui son diplôme, qui son certificat de résidence au commissariat de quartier, qui l’enregistrement d’une plainte, qui la copie certifiée conforme d’un document. Toutes procédures absolument gratuites bien évidemment : mais on ne peut refuser aux autorités indienne le droit inaliénable de mettre un peu de ghee dans les palaak. Si cela te pose un problème ou si tu veux avoir des combines, I paid a bribe est fait pour toi…

Pour aller au bureau, mais aussi faire la queue des heures dans les administrations délivrant les documents mentionnés ci-dessus, il te faudra parcourir la ville. Te frayer un chemin entre les camions, les voitures, les taxis, les motos et les vaches. Les vélos, piétons et enfants ? Je ne vois pas de quoi tu parles, cela n’existe pas sur les routes indiennes… Quoi de mieux pour se préparer à cette aventure hors du commun et digne des Grands 8 les plus effrayants du monde que de conduire toi-même un taxi bombayite ? Véritable petite fusée à roues (culminant à 50km/h) tout de jaune et noir revêtu, il annonce son arrivée et son départ à coups de klaxon tonitruants ! Et c’est ce que ces jeux (version 1, 2 et 3) te permettent de découvrir : la maniabilité, la flexibilité et… le bruit. Comble du bonheur : tu peux même t’essayer aux créneaux de nuit sur un parking où dorment des gens à même le sol et où des gamins quasi invisibles lavent les voitures pour 10 roupies. Essaie de ne pas les écraser ! Mais si cela arrive, ne t’inquiète pas : retourne sur I paid a bribe, trouve une combine, et recommence…

Mais arrêtons un peu de blaguer : la vie en Inde, c’est aussi… les attentats. Sujet sérieux s’il en est, anxiogène au possible et absolument et totalement réel (il te suffit de chercher « attentats » sur ce blog). Le seul élément risible sans doute dans la chose, mais un rire un tout petit peu jaune, c’est l’exceptionnelle impréparation et incompétence d’autorités totalement démunies. Alors, toi citoyen concerné et héroïque (et là tu arrives aux genoux des héros du Mahabharata), va aux côtés de l’inspecteur Vijay protéger ta ville des ignobles terroristes envoyés par le Pakistan (ou un groupuscule mystérieux du fin fond de l’Inde, mais on se demande quand même si le Pakistan ne serait pas derrière. Et si ce n’est pas le Pakistan c’est que c’est la Chine. Voire le Pakistan armé par la Chine… ). Toi aussi bourre ton gilet pare-balles avec le Times of India et le Hindustan Times ! Toi aussi recharge tes armes enrayées parce que datant du départ des Britanniques, toi aussi mets en place des barrages rouillés et rachitiques gardés par des vigiles réchauffant leurs mains à un feu de bois au milieu d’une froide nuit d’hiver à 23°. Oui… toi aussi regrette amèrement que le Mossad ne t’aie toujours pas formé…

Et le devoir accompli (je ne parle pas là du devoir conjugal, depuis la naissance de beta-chéri ta matronewalli ne sait même plus que tu existes), la récompense ultime te sera offerte : le summum de l’apothéose de la détente, le match de cricket. Oui. En dévorant trois tonnes de samosa recouverts de chips, tu pourras faire des innings, des overs, des trucs improbables que même moi qui ai écrit ce billet d’une pertinence rare sur le sujet je ne comprends toujours pas. Mais comme c’est bon !!!

Voilà… tu sais tout, ou presque, de l’Inde en jouant juste depuis ton bureau.

Il est certain que tu peux aussi te prendre pour le méchant monstre de l’Himalaya et exploser les cars de touristes delhiites en week-end ou les voitures de honeymooners venus accomplir ici leur devoir (conjugal cette fois), ou bien réviser ta géographie du pays. Et pour le coup, ce dernier jeu est assez chouette (oui, je sais placer Bareli (Bareilly) sur une carte : je suis comme ça moi…).

Mais admets que c’est quand même bien moins drôle que de compter les innings et les overs…

* Beta : « fils » en hindi.

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