Comme le titre d’un roman d’anticipation et pourtant, la réalité des grandes villes asiatiques. Fourmilières, mégalopoles, de Taipei à Shanghai, de Canton à Bangkok, de Tokyo à Kuala Lumpur, de Singapour à Hong Kong, les villes-entrelacs déconcertent au premier abord avant de s’apprivoiser, de s’apprécier…
Il y a d’abord l’expansion sereine, la gigantesque et incontestable appropriation du sol : les larges avenues arborées parcourues chaque jour par des voitures toujours plus nombreuses suivant un schéma d’angles droits. Autant de cardi decumani multipliés à l’infini. Les scooters montent au front, en renfort les bus investissent les ailes, et toute la population motorisée de se lancer à l’assaut de la ville asiatique, traversée de part en part, conquête parfois stoppée net par des bouchons homériques.
La ville défile… Une ville à degrés, en escaliers. La ligne d’immeubles hauts est cassée ici et là par des gratte-ciels bleutés aux formes incongrues, elle s’interrompt sporadiquement d’échafaudages et de grues gigantesques. Pas d’homogénéité dans la ville asiatique moderne, pas d’architecture planifiée, pas de paysage d’ensemble qui rassurerait l’œil européen habitué au décor continu : un univers spasmodique de hauts et de bas, de constructions et de destructions.
Cachés par cet amoncellement de verre et d’acier, des quartiers entiers. Affronter le lacis des ruelles de Tokyo, se perdre dans les lanes de Taipei, les anciens hutong de Pékin et Shanghai ou les soi de Bangkok. Droites au début, elles deviennent sinueuses à mesure que l’on avance et s’enfonce dans la ville. Plus de verre et de métal ici, mais de la tôle rouillée, du bois humide, du béton gris et des plantes, fleurs et vieux fauteuils entreposés par les habitants devant leurs portes ouvertes sur le monde. Quelques étages, trois ou quatre maximum, les grilles tirées sur les magasins du rez-de-chaussée, le paysage parfois crevé de chantiers gigantesques où s’affairent nuit et jour les ouvriers. L’ancien et le récent, le passé et le présent s’enchevêtrent. Ce qui doit apparaître et ce qui va disparaître : la ville asiatique est un devenir permanent.
On quitte le sol aussi. On zigzague au-dessus des carrefours, on enjambe les avenues, grimpant les marches et les passerelles de la ville. Parfois seul moyen d’atteindre son but, de traverser les avenues gigantesques et d’éviter les autoroutes urbaines, elles créent une ville hors-sol pour la ville piétonne. Comme un évitement fait de ponts suspendus entre les gratte-ciel, de jetées et de tunnels entre les immeubles, un escalator qui grimpe à flanc de montagne, un métro aérien et une seconde avenue accrochée au ciel…
Au bout des passerelles, les shopping centres : lieux de déambulation et de passage, au sens propre du terme, les galeries s’y succèdent, les escaliers en colimaçon aussi, et la ville s’érige à nouveau par degrés, à l’intérieur cette fois. Avant de plonger : car tout à coup, la ville s’enfonce. On ne le devine qu’après, mais sous nos pieds s’entrelacent des myriades de couloirs, de tunnels, de grottes avec boutiques et restaurants, pharmacies et salons de beauté. Les entrées d’immeubles décalées laissent apparaître des escaliers qui s’enfoncent dans la ville souterraine : elle n’est pas plongée dans le noir, mais lumineuse comme en plein jour, et sous l’esplanade de Renmin Gongyuan commence une autre ville…
La ville asiatique s’élève, s’étend, se creuse. Elle se déploie en inventant de nouveaux modes de vivre l’urbanité, aérienne et souterraine, ville double ou triple à mesure de passerelles et de galeries. C’est la ville-entrelacs.
Elle peut angoisser au premier abord, tant elle s’apparente à une toile jetée là par quelque animal fantastique, mais elle enveloppe aussi, rassure, car elle offre des milliers de possibilités. Elle est le fantasme moderne d’une jungle monstrueuse que l’on explore jusqu’à épuisement dans le secret espoir d’un jour peut-être la maîtriser…
que de belles photos!!
@ Mareme : merci !!!
Bonjour, voilà je suis une lectrice silencieuse de votre blog que je n'ose jamais commenter (si si) et je voulais savoir si je pouvais faire un lien vers ce billet depuis mon blog parce que je l'aime très beaucoup!
Et vous aussi je vous aime!
(J'ai envie de troller ton blog je crois 😉 )
@ Shaya : toi tu dis plein de bêtises, hihihi !
Vas-y, trolle mon blog, je t'en prie 😉