Et pour la dixième fois, me voici en Thaïlande. Sans l’excitation des premiers voyages certes, mais sans lassitude aucune. Un sentiment de plénitude et d’évidence tranquilles.
Je sais qu’à cet angle de rue le petit marchand vendra ses khanom krok avant midi, que dans ce magasin je trouverai le gel douche à l’amande que j’adore, le Skytrain me conduira en quelques minutes au food court le plus grandiose de la ville, et j’irai me promenant le long des entrepôts chinois à ce café où une table m’attend dans un jardin calme sur la Chao Praya…
Pourquoi la Thaïlande est-elle souvent la première destination que l’on découvre en Asie ? Parce que, sans mépris de ma part, c’est l’Asie facile, l’Asie pour les nuls en quelque sorte : on y trouve tout l’exotisme des pays asiatiques mais par petites touches, sans les difficultés inhérentes à l’ailleurs, et avec tous les codes occidentaux utilisés en majuscules. Et les tour operators du monde entier ne s’y sont pas trompés…
Le choc culturel ? On ne l’a que si on veut l’avoir en Thaïlande, et il ne s’impose pas au voyageur comme c’est le cas en Inde ou en Chine pop’ où il t’explose à la figure quand tu n’en as vraiment pas besoin ni envie. Wifi partout, galère nulle part. Les touristes indiens mangeront dans les restaurants de la diaspora indienne, les Chinois chez leurs compatriotes installés depuis des siècles, les Japonais retrouveront leurs 30 000 concitoyens installés là, Korean District, le quartier arabe, Chinatown, Indian District, Japanese District, les pubs britanniques, les milliers de Français et d’Italiens, et les enseignes d’un monde uniformisé… Tout le monde y trouve son compte, et toi en premier.
La Thaïlande pourra n’être pour certains, quatre ou quinze fois de suite, qu’un resort sur une île paradisiaque, où l’on exhibe le maillot à la mode sur les plages méditerranéennes en buvant des cocktails cubains deux fois moins chers qu’ailleurs, en se disant « qu’est-ce que c’est bien, la Thaïlande… ». Parce que ce pays a compris qu’un touriste décomplexé est un touriste heureux, et qu’un touriste heureux dépense et reviendra. Il est extrêmement rare qu’on t’y brusque, qu’on t’y interdise, et si tu choques par tes propos ou ta tenue, on détournera bien souvent seulement le regard. Combien sont les touristes à avoir adopté la tenue des Bangkokiennes, décolleté pigeonnant et mini-short moulant, et à le porter n’importe où dans le pays, même dans les régions rurales les plus reculées…
La Thaïlande rassure, car elle se module en fonction de ce que tu veux y trouver. L’auberge espagnole de l’Asie en quelque sorte. Tu veux des temples khmers anciens ? Alors à Si Satchanalai, à Sukhotai, à Phanom Rung, prends ton vélo et sous les fleurs vermillon des frangipaniers suis-moi entre les ruines… Tu veux que ton corps tatoué et infusé de drogues se trémousse au son électronique d’une Full Moon Party, les pieds dans le sable et la tête dans les palmiers ? Va à Ko Phangan, va à Phuket. Tu veux la frénésie commerçante et trépidante ? Viens au MBK, à Chatuchak, viens dans les milliers d’étals proposant babioles rose bonbon et T-shirts délirants à bas prix… Tu veux la jungle, tu veux la mer, tu veux un volcan éteint ou la langueur du Mékong, les ethnies montagnardes, les rizières ou l’urbanisme grandiose ? Toute l’Asie est à portée de mains en Thaïlande.
Et tu n’auras aucun effort à fournir. Dans les villes touristiques, les seules que tu fréquenteras sans doute, tu trouveras la quiétude du chez-soi : les cafés occidentaux remplis de Thaïs, des transports simples et sûrs empruntés par tout le monde, et tu as déjà l’impression de vivre ici. D’en faire partie, d’être local. D’ailleurs, ce pays ne contreviendra pas à ce que tu crois y trouver, fera tout pour ne pas te contrarier, bière fraîche ou à température ambiante et plats thaïs sans ou avec épices selon tes goûts, taxis peu coûteux quand tu n’arrives plus à marcher et les guesthouses de Khao San Road pour te donner le sentiment d’être, quand même, un « vrai routard ».
La Thaïlande a couru le risque de s’aseptiser, Bangkok en tête, de se conformer tellement aux attentes des Occidentaux qu’elle pourrait finir par en perdre toute saveur.
Et pourtant non. La blondasse en marcel trendy échancré dans un tuk-tuk verra surgir un énorme rat du caniveau ; un cafard gigantesque court devant le pied du Ken aviné qui rentre au petit matin dans sa chambre après une nuit-parce-que-c’est-incontournable à Patpong ; au délicieux cocktails succèdera une tourista mémorable parce que tu as absolument voulu manger des spaghetti à la gare routière de Pattaya ; et tu auras négocié ton faux IPad pour 3500 bahts sans plus te souvenir si tu en voulais vraiment un.
A ton retour, tu auras des histoires à raconter. Ce sera le voyage de l’aventure asiatique, tu t’auréoles d’une prise de risques et Ko Lanta n’est pas loin, et des vacances exceptionnelles, où tu n’as eu à te soucier de rien, juste à profiter. La Thaïlande t’aura donné les frissons tant attendus par ceux qui vont au bout du monde, mais dans des chaussons si tu veux des chaussons…
… A quelques pas des bars et des shoppings centers il y a les ruelles où perdre le compte du temps, des quartiers entiers où l’anglais n’a pas droit de cité. Où la Thaïlande continue de vivre, où l’on t’accueillera avec un sourire et une indifférence pareillement appréciables. Où tu n’es plus du tout chez toi, où il n’y a pas de Starbucks Coffee, où tu ne trouves pas de taxi et où il n’y a plus aucun touriste. Heureusement. Là commence l’autre Thaïlande…
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Bon et bien j'attends l'Autre Thailande ,alors,parce que moi,les chaussons,pffff!
@ Zaneema : elle arrive, elle arrive ! Et puis les chaussons, ça tient trop chaud aux pieds... 😉
j'ai faim. rien que le nom thailande me donne faim. tu m'envoies un peu de bar à la citronnelle s'il te plait ? en échange, je t'envoie un peu de vache argentine, ou de dulce de leche.
@ Patricia : oui, cela fait toujours cet effet... étrange 😉 Oui, c'est un échange parfait ! Avec un peu de citron dessus et quelques bouts de piment le bar ?
Bonsoir,
Texte très bien écrit, ce qui est loin d'être négligeable, et vue très juste de la Thaïlande, porte de l'Asie par sa facilité, mais j'attends l'autre Thaïlande avec curiosité ! Bonne continuation, bon voyage et bonne route !
jeff des rizières !
@ Jeefdepangkan : merci beaucoup ! L'autre Thaïlande arrive, difficile à mettre en mots parce que difficile accessible. Et j'aime beaucoup ce nom de "Jeff des Rizières" ! 🙂
Moi j'ai faim de toutes les Thaïlandes (et pas juste parce que j'ai faim tout court ;-))
J'aime toujours et encore tes points de vue et tes images du monde...
@ Nekkonezumi : toutes tes faims peuvent être satisfaites en Thaïlande, c'est ça qui est fou... Merci ma Tigresse, pour tes commentaires et aussi ton regard (toujours aussi plein de coquinerie 🙂 ) !