Quand on se promène dans une rue à l’étranger il y a parfois des scènes qui mettent mal à l’aise sans que l’on sache pourquoi. Alors on s’éloigne. On se retourne et on regarde à nouveau. Et quelque chose empêche de résister. On prend la photo, comme pour plus tard y revenir.
Cet homme au rictus figé… tel qu’il pourrait sortir tout droit d’un tableau de Yue Minjun. La Singha Beer à la main, une bouteille d’eau aussi, et le ventre à l’air dans la chaleur humide de la ville sont autant d’indices ajoutés aux ballots de peluches colorées de mauvaise qualité qui s’entassent derrière lui : cela pourrait être une scène dans n’importe quelle rue de n’importe quelle ville industrielle chinoise. Mais on est dans le quartier chinois de Bangkok.
Et elle. Son nez, sa peau, tout nous dit qu’elle n’est pas de l’ethnie Thaï ou d’une autre ethnie de Thaïlande. Quelque chose d’Asie centrale peut-être ? ou d’une partie occidentale du Tibet ? ou du nord-ouest de la Chine mais avec un je-ne-sais-quoi de différent encore. Son étrangeté au lieu, au quartier, à la ville, tranche. Elle n’est pas la Thaïlandaises ou jeune femme d’origine chinoise qui va et vient dans le quartier, affairée, pimpante et maquillée, petit short, barrettes et colliers fantaisie à foison. Elle, c’est une simple chevalière au pouce et une amulette presque brute au cou, et un bracelet d’argent qui dit l’Himalaya. La chemise d’homme, de travailleur, le T-shirt sombre, les cheveux rapidement rabattus, et pourtant c’est une femme.
Je l’ai observée, des gestes fantômatiques, une temporalité autre que celle de l’homme hilare, que celle de la ville aux femmes coquettes. Elle vient d’ailleurs, se demande ce qu’elle fait là ou si tout ça en vaut la peine, et vend ses brochettes à frire au déjeuner des passants. Le regard vide, les épaules basses, le sourire absent.
Ah et puis, oui, je suis rentrée en Inde…
Belle photo : moment de vie, triste, unique mais égoïstement enrichissant
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Oui,elle a l'air d'etre d'ailleurs.Les ladakhis ont ce type de visage aussi ainsi que certains népalais.En tout cas l'Himalaya coule dans ses veines!
Bon retour en Inde!
C'est fou, ce regard vide, elle parait faire des gestes mécaniques, mais je me dis que c'est juste un clicé, figeant un regard déjà figé, que cette personne n'est pas si vide, si triste que ne le laisse penser la photo !
Moi j'aurais dit que cette fille est péruvienne : )
Un regard vide, apparemment... non ?