Avec les enfants en Inde, on est souvent décontenancé.
On ne sait pas où doit s’arrêter le geste. Si la main doit accueillir ou repousser, se tendre ou écarter.
C’est facile de dire « oh les pauvres petits » ou bien « jamais d’argent, jamais ! ». Mais la très grande majorité des enfants que l’on croise dans les rues indiennes ne demande rien. Non, ils ne te regardent pas de leurs grands yeux vitreux au-dessus d’un ventre famélique, non ils ne pleurent pas des mouches et des larmes collés à leurs yeux et striant leurs joues. Bien souvent, ils rient, ils se cognent, ils se courent après, ils bavardent, ils s’invectivent, ils se bousculent et surtout se moquent. Les uns des autres, de toi aussi.
Ils sourient. Beaucoup.
Comme tous les enfants.
Il y a aussi beaucoup d’enfants que j’ai envie de saisir par le bras pour les sermonner, mon regard froid planté droit dans leurs yeux. Arrête de piailler, de miauler, de chougner. Arrête de te croire le centre du monde. Arrête de croire que tout adulte autour de toi n’est dévoué qu’à ton confort, ton plaisir et ton service. Mais je ne le fais pas, non pas que je n’ai pas déjà rabroués ces gamins de l’élite, entourés de nounous à ne plus savoir qu’en faire, pourris gâtés tels qu’ils le seront après 30 ans encore, mais ce sont leurs mères avant tout, leurs pères ensuite, que je voudrais saisir de cette manière.
Alors je reviens à ces gamins dans les rues. Pas des enfants abandonnés, pas des enfants des rues, mais les enfants des milliers et milliers et millers de famille pauvres de Bombay. Qui n’habitent pas dans des bidonvilles circonscrits mais dans les milliers de bidonvilles intersticiels de la matrice bombayite. Ils vivent le vétuste, l’insalubre et le danger comme un monde familier, rassurant et bien à eux. Entre deux immeubles, dans une ruelle noire jonchée de détritus, de rats morts, et qui pue comme je ne penserais pas qu’on puisse le supporter.
Et je vois où ils s’amusent. Avec quoi ils jouent.
Je les regarde un soir, tous à la fête de prendre part à cet iftar de ramadan. A la fête devant des amas de ferraille qui les appellent, le métal rouillé qui amuse et fait rire. Le bras d’homme qui anime, tourne, bascule. Les grincements, les crissements, les klaxons et les cris. Une impression de fête foraine qui a mal tourné, d’un conte de cauchemar. Les couleurs sont passées mais personne ne s’en aperçoit, l’Inde a ceci de sublime que l’on revoit ses exigences à la baisse, ses attentes au plus bas et que l’on redonne vie aux couleurs qui sont mortes. L’éclairage public qui n’existe pas dans ces rues indiennes a été remplacé, avec avantage, par les mille éclats des petits habits de fêtes. Un cheval blanc amené là traverse au trot, un enfant qui jubile sur le dos. Puis un autre. Et un autre encore. Le cheval continue de parcourir la rue, emmenant un fier guerrier à la victoire, emportant une douce princesse. Et les petites nacelles qui grincent, lancées à toute volée, s’élancent sans ceinture vers le ciel.
Small children’s fair in a narrow street of… by Chouyo
(Il y a des sous-titres si tu veux…)
J'aime te retrouver ainsi à l'écrit 🙂
@ Shaya : merci 🙂
J'adore ton post, j'adore parce que je comprends ce regard attendrissant que tu portes à ce pays et ces enfants !
@ M1 : oui, il y a de l'attendrissement, beaucoup 🙂
Loin d'avoir rattrapé mon retard de lecture, je reprends ton blog à rebours et me voilà stoppée net par tes mots et par les bouilles de ses enfants. Du grand Chouyo pour me retour de vacances !
@ La Voyelle : hihihi ! Bonne lecture alors et... merci ! 🙂
J'ai les larmes aux yeux en lisant ton texte .MERCI de nous faire partager ton vécu et de savoir si bien le décrire.
@ Quenotte : merci à toi de me lire, avant tout ! Et j'espère que ces larmes sont d'émotion, pas de tristesse 🙂
Beau récit. Et belles images.
@ Des pas perdus : merci beaucoup !
J'aime beaucoup ton texte ..
Lors de notre séjour en Inde, je crois que c'est la situation des enfants qui nous avait pas mal marqué , croisés essentiellement lors de nos voyages en train.
Je pense souvent à amener ma fille dans ce pays pour que comme tu le dis, elle relativise sur sa vie mais il est surement trop tôt.
Le Népal est un bon compromis !
@ Isa : merci 🙂
Tout dépend en fait de là où vous iriez, le Sud et certaines villes sont plus "faciles" que d'autres, de l'âge de ta fille et surtout de ses réactions face au monde de manière générale... tu connais l'Inde, tu sais qu'elle pourra y comprendre beaucoup. Ou peut-être passer totalement à côté de certaines choses qui toi t'ont le plus marquée. Le Népal, oui, c'est une bonne idée aussi 🙂
Incredibly smiling India!
Merci pour ce si joli texte, tellement vrai.
@ Pat : oh oui, c'est très bien dit ! C'est exactement ça !
Merci beaucoup de me lire surtout 🙂