« Tigerphant », par Dominique Salm, Chinatown, Londres, il y a un an.
J’aurais eu envie de t’écrire un conte. Te le dire doucement quand le soir vient à tomber, le goût du fresh lime soda sur nos lèvres, l’odeur de la pluie tropicale autour de nous. Juste à ce moment où la lumière s’adoucit. Te dire, te faire imaginer…
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… comment un soir où il venait chercher à la mare quelques gouttes d’eau laissées là par une saison particulièrement aride et cruelle aux animaux de l’Inde, l’éléphant de Jaipur avait rencontré le tigre du Bengale.
Comment tous deux, rendus fous tant ils étaient assoiffés, avaient combattu pour la dernière goutte d’eau gisant sur le sol. Roulant, écumant, qui frappant de sa trompe et déchiquetant de ses griffes, qui faisant trembler les pierres de ses rugissements et vaciller les arbres de ses barrissements. Mais de la rapidité ou de la masse, aucun ne parvenait à vaincre l’autre. Le combat dura deux jours et deux nuits, si bien que la goutte d’eau avait depuis longtemps disparu, évaporée sous le dur soleil de la saison sèche indienne, quand le tigre et l’éléphant se retrouvèrent épuisés, côte à côte.
Constatant avec amertume que la goutte d’eau tant convoitée n’était plus, les deux adversaires surent qu’il leur faudrait marcher jusqu’au lointain lac de Ban Sagar pour en trouver à nouveau. Mais aucun d’eux n’avait la force de faire le chemin seul, l’éléphant aveuglé par les griffes du tigre et le tigre aux pattes piétinées par l’éléphant. Alors, après s’être plaint, avoir pleuré, feulé, grondé, parce que la chaleur qui montait les pressait de partir, l’éléphant souleva le tigre de sa trompe pour le déposer sur son dos et celui-ci avec son regard perçant les guida jusqu’au lac.
Le chemin était long, la chaleur torride.
Le soleil impitoyable leur donnait l’impression de s’aplatir, les faisant transpirer étrangement.
Tant et si bien qu’au lac, un seul animal se pencha au-dessus de l’eau.
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Je me suis demandée en revoyant cette photo si c’était l’esprit qui avait présidé à cette étrange fusion de deux animaux associés à l’Inde. L’idée que l’union pourrait faire la force.
Ce n’est pourtant pas, et loin de là, une devise indienne.
Alors plutôt le sentiment étrange d’un camouflage raté, deux animaux devenu un monstre pathétique, comme si au détriment de la félinité, gage de rapidité et de succès, avait été choisie la masse, comme si seul oripeau restant du tigre on avait conservé sa peau désormais trop ostensible. Une métaphore étonnante que ce tigrephant. Surtout exposée comme cela, au milieu du quartier chinois de Londres…
[En 2010 était vendues aux enchères pour venir en aide aux éléphants et autres espèces animales menacées en Asie des statues d’éléphants peintes et customisées par des artistes et exposées dans les rues de Londres.]
Tu devrais me raconter plus souvent des histoires 🙂
@ Shaya : hihihi... j'aime beaucoup ça en plus 🙂
Belle et cruelle histoire...
@ Des pas perdus : au final pas tant que ça, ils ont fusionné l'un en l'autre. Et se sont entraidés...
tiens tiens, une tronçonneuse...
@ Des pas perdus : cela te rappelle quelque chose ? Hihihi 😉
Les très jolis contes de Tata Chouyo 🙂 (et non pas Tata Yoyo ;-))
@ Nekkonezumi : hihihi... 😉
Une histoire pour chaque soir...
SOS help maman a imagination aride
@ Psywalli : je note l'idée... encore ! 🙂