Prends un petit moment pour regarder ce court-métrage, le premier que je me rappelle avoir vu.
Un petit moment hors du temps (mais ne te laisse pas prendre par les détails old school, il date de 1989), un moment presque sans paroles et avec un seul rire.
Ce rire est la clef pour comprendre l’ensemble : libérateur, il rompt la tension accumulée par cette femme propre sur elle, convenue, collet-monté. Il sanctionne une journée qu’elle a ressentie comme difficile, inquiète (de rater son train), énervée (d’avoir été bousculée), effrayée (que le grand homme noir ramasse ses affaires), déçue (d’avoir raté le train), intimidée (par ce bonhomme noir qui s’est approprié, croit-elle, sa salade).
Une palette d’émotions qui n’a que faire du reste du monde. Celui-ci tourne autour d’elle, s’adapte à elle, en l’aidant, en la servant, en la ménageant. Elle a peur, mais tous prennent des pincettes avec elle. Parce qu’elle est femme, parce qu’elle commence à prendre de l’âge, parce qu’elle est blanche sans aucun doute.
C’est un rire intimidant aussi de ce fait, inquiétant même. Elle a été incapable à quelque moment que ce soit de comprendre les gens et d’interagir avec eux. De créer du lien, du dialogue, de l’écoute. Elle trace son chemin dans la gare, forte de ses convictions et de ses préjugés, le premier Noir veut nécessairement l’embrouiller pour lui voler le contenu de son sac, le second Noir est aussi nécessairement un voleur de salade. Elle ne peut se tromper, alors même qu’elle est dans l’erreur à chaque instant. Les sans domicile qu’elle croise sont tous ces « détails » de la vie à côté desquels elle passe et au sujet desquels elle se méprend. Mais elle, elle obtient ce qu’elle veut, quelques bouts de salade, un café et son train…
Le soulagement final qui explose en ce rire vient d’une femme rassurée qu’il ne se soit « rien passé ». Elle a imprimé sa marque et son rythme au monde, sans remords.
The Lunch Date, Adam Davidson (1989), Palme d’Or du Meilleur Court Métrage à Cannes (1990) et Oscar du Meilleur Court Métrage (1990).
Il faudra que je repasse ce soir voir la vidéo. Je ne connaissais pas du tout.
@ Firemaman : oui, regarde-là, c'est vraiment un superbe court-métrage !
Oh que je connais ! un petit chef-d'oeuvre, une palette d'émotions comme tu dis mais aussi d'interprétations !
Ma connexion lente ne me permet pas d'apprécier ça de manière optimale, j'essaierai depuis la maison, mais ça m' l'air d'être assez géant.
Bizarre comme on ressent les choses différemment suivant le moment ou la sensibilité de chacun...Dans ce lunch date, je ne vois que la fraternité, celle de l'homme évidemment.
J'aime les courts métrages, on en voit peu à la télé, hélas, et même peu en salles de fait, mais comme celui ci il y a une concentration d'émotion inégalée !
Attends, j'ai pas le temps de regarder ce soir, je reviens demain 🙂
Comme Isa, je suis touchée par l'homme et non pas par elle ...