Aujourd’hui je rentre dans le vif, dans le lard, droit dans la gencive. Car oui, l’expérience médicale que j’accumule en Inde me fait poser la question de ce cocktail explosif de très hautes compétences médicales et de mauvais foi rare.
Et je te dis ça alors que je viens de passer les trois derniers jours à m’empêcher d’avaler tout rond tous les antalgiques à ma portée et de dévaliser une pharmacie pour de la vicodine. Car 4g de paracétamol et 1,2g d’ibuprofène ne faisaient presque plus rien sur la douleur dentaire qui irradie dans tous les sens, nez, tête, oreille, mâchoires. Rien d’intolérable bien sûr, juste une douleur sourde qui empêche de penser à quoi que ce soit d’autre et de dormir. Oui. Mme House, c’était presque moi. Là, depuis que le dentiste a suivi MA prescription et MON idée tout en essayant de faire passer ça pour SON diagnostique, cela va mieux (et je suis la première à hurler contre l’automédication et ceux qui s’improvisent médecins dans les cabinets médicaux, tu imagines donc…).
Premier point, seuls les Indiens ont le droit d’exercer des professions libérales en Inde ; de ce fait, pas de fuite possible vers « c’est un médecin français », ce qui rassurerait (de manière irraisonnée, mais bon) ; tu peux également t’attendre à un médecin parlant un anglais correct à bon, avec l’accent indien souvent (ce qui rend la compréhension plus difficile) et éventuellement un masque de chirurgien (« pssssshhhhh… pssssshhhhh… Chouyo, je suis ton… dentiste ») adjoint à une terminologie médicale anglaise que tu ne maîtrises pas nécessairement (va formuler les différents types de douleurs…).
Deuxième point, la plupart des médecins exerçant dans les cliniques, hôpitaux privés et leur propre clinique (avec site Internet, tous !) ont fait leurs études et ont pratiqué à l’étranger, notamment aux Etats-Unis. De ce fait, tu trouveras des compétences strictement équivalentes à celles de ton médecin français, voire meilleures sur certains points surtout en ce qui concerne le matériel médical et les solutions de haute voltige proposées. Un beau stylo chromé pour faire des photos dans ta bouche, le blanchiment des dents comme si ce n’était qu’un point de plus dans ta liste de courses, entre le pain et le jus de fruits.
Troisième point, cela se paie, évidemment. Et si les tarifs des consultations et interventions sont à la base nettement moins chers qu’en France, ce sont les assurances qui permettent la prise en charge des coûts, donc seuls les Indiens les plus riches se soignent bien ; enfin, le médecin comme la clinique ou l’hôpital ont tout intérêt à te faire dépenser le plus possible. En plus, tu es Occidental ? Donc tes poches débordent de billets, c’est bien connu…
Ce cocktail conduit donc à une situation qui me hérisse. D’une part, bonne petite Française habituée aux soins nécessaires de médecins conventionnés, j’ai déjà testé d’autres systèmes médicaux mais c’est la première fois que je me retrouve face à une telle survente à laquelle s’adonnent les médecins (ils ont une commission dans les cliniques et hôpitaux j’imagine, et font ce qu’on leur demande de faire) ; et ce qui me fait hurler par-dessus tout, c’est que ce système nécessite de la part du patient, donc de celui qui a mal, qui souffre, qui est totalement groggy, d’être vigilant en permanence, de prendre des décisions importantes pour sa santé et ses finances en tenant compte du fait que les conseils médicaux donnés par le médecin sont en lien direct avec une somme qu’il doit te faire dépenser.
Le patient doit donc se méfier comme la peste des avis de la personne qui le soigne, encore plus si le médecin appelle une assistante ou une infirmière pour donner son avis ! Car ici, on te vendra quelque chose tout en te soignant, quelque chose qui ne sera pas inutile mais superficiel, du genre qui peut attendre, qui est secondaire par rapport au problème pour lequel tu es venu.
« Vous avez très mal au dos. Je vais le soigner, mais d’abord je vois que vous avez des ongles incarnés, cela pourrait être bien de les soigner avant… Cela pourrait avoir une influence, potentiellement, peut-être, sur votre dos…« . Ce à quoi tu réponds… mais non… je te raconte d’abord une première expérience…
A suivre… quel teasing, mais quel teasing !!!
Note : drôle, la veille de toute cette histoire de dents, j’avais regardé Sicko. Hinhinhin… Je t’en touche un mot un de ces quatre !
et tu n'as pas appris des mots médicaux en angliche en regardant TOUTES ces séries médicales + le film de Moore????
(ça me terrifie, ton histoire, je crois que je ne vais ja-mais visiter l'Inde... snif snif...)
@ Daydreamer : si, plein ! Mais ce sont toujours pour des affections et des maladies plus complexes qu'une rage de dent ! Et au bout du compte on voit rarement un diagnostique entier, d'autant que les médecins indiens ne mènent pas du tout leur interrogatoire de la manière à laquelle je suis habituée (quand, comment, quelle douleur, autres symptômes, quels médicaments, quelles allergies, quels problèmes avant etc.).
Meuh si, tu viendras. Juste, tu iras faire un bilan complet un mois avant de partir, histoire d'être sûre qu'aucun problème préalable ne te guette !
Voilà pourquoi la parano que je suis, dès qu'elle met un pied hors de France, ou avant plutot, elle se fait un check complet et emporte une valise de médocs !!
@ Océane : et bin moi qui ne suis pas parano côté santé, j'ai toujours fait aussi un chek-up avant de partir en voyage à l'étranger (dentiste, dermato, ohptalmo, généraliste). C'est une bonne occasion pour y aller régulièrement, et cela permet d'éviter un maximum de mauvaises surprises ! Quant à la valise de médicaments, on va dire que pour moi c'est une grosse boîte : en même temps, quand tu pars trois semaines, un mois ou plus en vadrouille un peu routardes, mieux vaut prévoir la dose de médicaments comme si tu étais malade dès le premier jour. La plupart du temps, tu reviens avec tout (heureusement que cela se conserve) mais parfois, c'est vraiment utile...
Roooo, bein c'est pas gagné, ceci dit si tu as les moyens tu pourras prendre les bons médecins et tu seras correctement soignée de la tête aux pieds..... médecine à deux vitesse et comme d'habitude les plus démunis restent sur le bord du chemin.
En Israêl c'est pas mal, en plus avec nos caisses d'assurances privées on ne paie pas le médecin et pour les spécialistes ça coûte en moyenne 5 €uros. Je viens de faire une batteries de prises de sang et échographie, je n'ai pas déboursé un centime !!! Pour les médicaments si on a une carte Zaav (en or), on a encore des réductions.... Nous avons de très bons médecins.... mais si tu vas pour soigner un rhume ça ne les intéresse pas, en fait ce qu'il faut pour capter leur attention c'est une bonne maladie, alors là ils vont se déchainer pour te sauver....
@ Ysa : en fait le problème est que les bons médecins ici sont aussi ceux qui te vendent un maximum de choses, donc ils sont bons mais en même temps leurs compétences sont justement obérées par leur côté commercial. Du côté des plus pauvres, c'est-à-dire la majorité des gens en Inde, soit ils ne se soignent pas, soit ils se soignent mal, soit ils attendent des heures ou des jours dans la douleur avant d'être soignés.
Je ne savais pas que cela se passait comme ça en Israël ! Il faut que j'étais petite quand je suis venue, mais ma mère m'a raconté en revanche qu'elle s'était fait retirer les dents de sagesse là-bas quand elle travaillait dans le kibboutz (où maintenant ma tante et mes cousins vivent) et que cela n'avait pas été une partie de plaisir. Mais c'était en 1973 aussi...
Serait-ce le côté défi médical qui les intéresse ?
Comme Océane, l'étranger je veux bien mais avec mon médecin (euh non pas le mien il est nul... un médecin) français qui me suit!
En plus si j'ai vraiment mal je pense que je serais incapable de m'exprimer correctement en anglais...
@ Shaya : c'est exactement ça, le fait d'exprimer ses symptômes dans une langue étrangère, même quand on la parle bien, change beaucoup de choses. Déjà qu'en français, on peut parfois avoir du mal à dire quelque chose à son médecin...
Surenchère, on dirait les USA
@ Angélita : absolument ! Et comme beaucoup de médecins ici ont été formés là-bas, j'imagine qu'ils reproduisent la manière de faire qu'ils y ont vue (avec un système global équivalent) ?
passionnant je trouve..et en effet quand tu décris le système de santé cela
@ Chocoladdict : la suite arrive, et effectivement j'avais l'impression d'être aux Etats-Unis !
me fait penser aux Etats-Unis...bon on attend la suite )
Il fait bon vivre de se faire soigner en France ...
Quelle histoire!
@ MissBrownie : oui ! Si j'ai toujours su la chance que j'avais d'être Française pour ces raisons-là (système de solidarité globale sur de nombreux points), je suis encore plus convaincue aujourd'hui de la nécessité de conserver au maximum, en réaménageant peut-être certains aspects mais en gardant comme but l'esprit de la chose, notre système de santé !
Ah oui, en effet, quand celui qui est sensé te soigner le mieux possible commence à essayer de te vendre des choses, alors que tu es en souffrance, ça devient un peu compliqué, j'imagine !
@ Kahlan : c'est compliqué et en plus très désagréable, car tu ne sais pas si c'est le médecin ou le commercial qui parle. Donc tu dois prendre une décision, mais la seule personne qui peut te donner des conseils avisés, scientifiques et neutres ne l'est pas du tout !
C'est là où on se dit qu'il faut être vigilant pour préserver notre système de protection sociale en France. Enfin ce qu'il en reste. Vive le service public.
@ Madame Kévin : OH OUIIIIIIIIIIIIIIIIIII ! Tu vois l'effet que tu me fais en parlant de ça 😉 ! Non, sans rire, absolument : comme je le disais plus haut, si j'en étais convaincu depuis des années, j'en suis encore plus convaincue aujourd'hui ! Un système qui se fonde sur une solidarité entre générations, entre bien portants et malades, entre toutes les strates de la société est à mon sens celle qui avancera : moins vite que d'autres, mais plus sereinement et sans en laisser derrière. Ici (dans un système qui a pour modèle celui des Etats-Unis j'ai l'impression), c'est à mon avis 70% de la population qui est laissée sur le bas-côté.
Je t'avoue ne pas avoir de solution à te donner. Mon instinct me dirait d'aller me faire soigner en France, même si les médecins ne sont pas forcément plus compétent, au moins tu les comprends! Mais tu ne peux pas rester aussi longtemps sans te faire soigner les dents.
Et il a voulu te vendre quoi le dentiste? Une couronne?
@ Pimousse : il a voulu me vendre de nouveaux plombages à mettre à la place de mes anciens, et je sentais bien venir ensuite à ce qu'il me disait en commentant les photos, un blanchiment, un soin, un ceci et un cela. Je suis bien sûr allée le voir pour ça, et pas du tout pour qu'il enlève une couronne qui qui s'était déplacée et m'empêchait de fermer la mâchoire à cause de la douleur et de surveiller s'il y avait une infection dans la racine et les canaux. Non, ça, c'est après... tu imagines...
quand je voyage à l'étranger, ma hantise est d'être malade et de devoir affronter un système de santé inconnu avec une langue inconnue... Ton billet me confirme que j'ai raison de pas vouloir être malade à l'étranger... brrr
J'attends la suite...
@ Une Blonde dans la ville : oui, mieux vaut faire un check-up avant de partir sur toutes les choses qui peuvent avoir été laissés en suspens, avant de partir en voyage ! Ensuite, quand il y a une urgence, il vaut mieux aussi être préparés, avoir le numéro de téléphone de son assurance et de quoi téléphoner etc. Mais ça, c'est pour la suite 😉 !
C'est la qu' on se dit qu' on est pas si mal lotti ( coment ça s' ecrit ) par ici, mais parfois meme ici, ça derive sec ...
@ Madamezazaofmars : (loti, hihihi !) oh oui, c'est dans ce genre de situations que l'on comprend encore plus la chance que l'on a eu en France qu'un système de sécurité sociale par solidarité ait été instauré. Qu'il faut certes modifier sur certains aspects, mais en conserver le principe c'est sûr.
Pour la douleur et l' impression d' etre hugh laurie, je connais, je compatis, aie aie aie
@ Madamezazaof mars : c'est fou, moi qui déteste prendre des médicaments, là j'aurais été capable de tout avaler. Et encore, la douleur n'était pas intolérable juste... présente, lancinante. Je n'imagine pas que cela doit être dans d'autres situations beaucoup plus graves...
Une rage de dent à l'étranger, c'est ma terreur.
Affronter un parcours du combattant et ne pas savoir où on va vraiment, alors qu'on souffre le martyre, c'est terrible.
Bon, tu vas mieux ?
@ Aude Nectar : la rage de dents, c'est effectivement le genre de choses que l'on ne peut vraiment pas sentir venir, même en allant chez le dentiste avant le voyage (je suis allée chez ma dentiste il y a deux mois ! Et avant ça, une ou deux fois par an depuis sept ans !).
Là, ça va mieux, mais bizarrement j'ai l'impression que cela va moins bien que les deux derniers jours... hum... ce qui ne plaît pas beaucoup comme sentiment...
Mince, je n'arrive pas à trouver de sculptures olé olé dans ta photo aujourd'hui...
@ Marlène : effectivement, pas d'évocation scabreuses, mais ce n'est pas faute d'y avoir pensé. Mais on peut essayer d'en trouver pour les prochains billets, à suivre...