[Longue introduction pour compenser la chute finale d’une grande violence morale.]
Voyager avec moi implique de monter sans résistance dans n’importe quel type de transport.
J’ai mon permis depuis presque 20 ans [n’ayant évidemment que 25 ans : j’étais juste précoce, voilà tout], mais la location de voiture n’est ni dans ma culture du voyage ni dans mes finances. Se succèdent donc des trains, des bus, des furgon, des mini-bus, des tuk-tuk, des taxis, des bateaux, des avions dont on se demande quand ils ont été mis en service et finalement on préfère ne pas savoir, des rickshaws, des pirogues, des vélos, des cyclo-rickshaws, des motos et surtout des carrioles cycloportées arrêtées en urgence dans la rue pour une course effrénée vers le dernier train passant dans le village du Bengale occidental où je me trouve. A 3 minutes près, je serais encore en train de faire paître des chèvres à Bolpur…
Il est certain que cela fait envisager l’itinéraire différemment : cela demande du temps, cela ôte de la flexibilité, c’est plus inconfortable, mais c’est aussi moins cher, moins excluant de la vie quotidienne réelle, et ayant utilisé la voiture dans tout de même quelques pays (Islande, Grèce, Pays de Galles, Ecosse et autres…), ce n’est clairement pas la même manière de voyager. On n’y voit pas les mêmes choses, on n’y vit pas les mêmes choses.
Que trouvè-je donc à crapahuter dans les transports en commun à l’étranger ? Des conversations dans des langues improbables que je fais semblant de comprendre. De la nourriture locale au pied-levé dans des dabbas routiers avec un thé servi à même le chauffe-eau. Et bien sûr, la coupure totale avec toute autre pensée, tant l’esprit se fait des nœuds pour trouver l’itinéraire idéal.
Dans les régions et pays où la densité de population et de chèvres est importante, la Chine et l’Inde au premier chef, autour de certaines métropoles, Sao Paulo ou Bangkok, il y a foison de transports : on arrive à n’importe quelle heure de n’importe quel jour et on trouvera un moyen de locomotion qui partira dans les deux heures, nous emmenant à peu près où nous le souhaitons. Dans les régions moins densément peuplées, il faudra s’adapter aux horaires et aux fréquences quelque peu erratiques : ce qui sera l’occasion de vivre des moments palpitants comme à l’inénarrable Uranus Planet ou de tourner le Projet Blair Witch 3 : Live from Balkanets [billet à venir. CE TEASING DE FOLIE !!!].
Et pour ça, la Bulgarie est parfaite : avec ses 7 millions d’habitants dont le tiers habite dans 4 grandes villes, ce pays déjà peu densément peuplé se dépeuple, et cela se traduit par des fréquences et des horaires de transports un peu contraignants. Un bus par jour pour telle ville à 5h, puis 7 heures d’attente pour prendre un bus vers la destination finale… A l’exception de trois ou quatre destinations principales, voilà le tableau. Il faut alors jongler, attendre le train à 4h du matin, repenser son itinéraire, prendre des directions inattendues et attendre sur le bord d’une route au milieu de nulle part en espérant qu’avec les quinze mots de bulgaro-macédonien que tu connais, tu as bien compris et le lieu et l’horaire…
Mais là n’était pas l’objet de ce billet, car mon véritable propos était : la musique dans les transports bulgares. [Mais tu le savais.]
Ayant essentiellement emprunté les trains lors de mon premier voyage en Bulgarie [très peu chers, il faut compter environ 1€ pour une heure de trajet (un euro, oui), fiable et confortables, on ne va pas se priver], j’ai cette fois-ci exploré des itinéraires moins aisés et ai privilégié les bus, mini-bus et taxis. Avantage des moyens de transport automobiles sur le train : ils te mettent en contact direct avec les personnes et AVEC LEUR AUTORADIO.
Comment dire… … … Quel mélange étonnant…
D’habitude, dans les Balkans, 95% de ton temps d’écoute est consacré à l’EuroDance à volume plus-que-nécessaire, avec une spécialisation dans le turbo folk [absolument] au Kosovo et en Albanie (équivalant au manele de Roumanie) qui se décline en tchalga en Bulgarie. Si tu ne connais pas ces genres musicaux, je te conseille d’aller en écouter : il faut l’avoir fait au moins une fois dans sa vie…
Mais la Bulgarie se spécialise aussi par région, en tout cas de ce que j’en ai entendu. Au Nord, il n’y a pas de corons mais entre Vratsa et Roussé, la proximité avec la Roumanie a enchanté mes oreilles de tchalga et d’EuroDance. Dans les montagnes de la Stara Plannina, j’ai eu l’immense surprise d’être bercée par de la chanson française, Yves Montand, Desireless !, Sardou et j’ai même fini avec Piaf : tous ces kilomètres pour ça. Je n’ai plus qu’un seul souvenir musical de la côte de la Mer Noire, qui explique peut-être que je n’y sois pas retournée cette fois, Katy Perry en pharaon égyptien et en boucle [Je me suis renseignée : c’était « Dark Horse », c’était horrible.]. En revanche, dans la Bulgarie méridionale, de Sofia jusqu’à Plovdiv, c’est l’Empire tout-puissant… de la musique des années 1980 !!! Ou pour être plus précise, de 1986 et 1992 avec deux-trois incursions dans ce que les années 70 font de meilleur : Toto et Boney M [Je ne laisserai personne me contredire.]
Et étrangement, c’est un soulagement.
Premier jour et première petite pause ? Attablée à un café, je commande un ayran et une saucisse aux herbes (ben ouais, il est 10h et je suis en vadrouille) et… « The Wind of Change » ! On repart, on se balade, on se boit un frappè ? Et c’est Toto ! Et tu te trémousses, « Hold the line, love isn’t always on time, wowowowww… » ! Un taxi ? « Take On Me » ! « Enjoy the Silence » enchaînant avec Mickaël Jackson dans sa meilleure-époque-pop-gluant, « Black or White », « Heal the World », tu maîtrises la discographie, tu ne peux te retenir de fredonner, de battre le rythme avec ton pied, avec ton corps, et de pousser un « Yeah yeah yeah… ! » de temps à autre et tu ne peux avoir aucune espèce de conversation sans tout à coup te lever, passer les mains dans tes cheveux alors que des voiles ondulent dans la nuit et que de jeunes hommes sensuels font de l’escrime tandis que tu hurles « Once upon a time I was falling in love, But now I’m only falling apart, There’s nothing I can do, A total eclipse of the heart… » et les Bulgares autour de toi murmurant en chœur « Turn around » [Si tu ne vois pas ce dont je parle, je te juge très fort et te renvoie à ce clip qui devrait faire l’objet d’un semestre entier de cours à l’université].
Jusque-là ce ne sont que classiques écoutés avec un plaisir coupable teinté de la nostalgie des fuseaux brillants, des épaulettes arquées et des brushing fantastiques, mais le pis arrive quand ce que tu avais refoulé loin éclate à la radio, tu retrouves et les paroles et le nom du chanteur, et le chauffeur de bus fredonne lui aussi ! Ce pays est dangereux !!!
Alors pour la Radio des Blogueurs de cette année, je n’ai pas réussi à choisir et je vais t’offrir deux magnifiques chansons que toi aussi, tu aurais préféré oublier !
Merci la Bulgarie. Merci.
Je taggue évidemment Nekonezumi Tolosamedia et Jimih !
Ha oui il y a du lourd comment te dire... Merci
enfin je sais pas trop
je suis troublé 😉
@Lolobobo : Mouahahahaha ! Je suis ravie de t'avoir remis en tête ces chefs-d'oeuvre, et chaque année un peu plus de n'importe quoi dans la Radio des Blogueurs (je suis désolée... un peu...) ! 😉
Ah lala! mais où j'étais ,moi?!je ne connais pas ces deux chansons!!!
@Zaneema : ah ben ça ?!? Même celle de Bonnier Tyler ? Ou sa reprise (qui est encore bien plus... bien plus... je n'ai pas de mots...) ?
Ahlala, ce Tarzan Boy était furieusement à la mode en boîte en Slovénie quand j'y suis allée à l'époque, dis donc ! Moralité : il faut 30 ans à une bouse pour faire 1000 bornes et aller de Maribor à Plovdiv
@Nekonezumi : Alors qu'en Slovénie désormais cela doit être "No Limit" qui résonne aujourd'hui.
La bouse certes. Mais la vache, il lui faut combien de temps ? #PhiloDuDimanche
Tarzan Boy... Mais c'est (presque) toute mon enfance ! Et dire que je me suis trémoussé comme une ballerine saoûle là-dessus pendant des soirés entières... Mama mia !
@Tambour Major : Et en lisant mal ta phrase (donc en omettant comme si de rien n'était le "comme"), je t'ai imaginé en ballerine saoûle... Et là, la chanson a pris ENCORE une autre dimension ! 🙂
[…] de coeur/pêchés honteux aux fidèles ou nouveaux lecteurs. Je réponds donc au tag de Chouyo, qui nous propose une contribution qui vous fera explorer les moments gênants des années […]