Il est de ces moments où le destin prend le contrôle. Et parfois ce destin s’appelle Otto… Otto le Correcteur*.
J’attends à la terrasse d’un café.
Livre symbolique tant je ne fais qu’en relire les mêmes phrases depuis dix minutes. Boire à petites gorgées pour surtout ne rien renverser, jeter un coup d’œil autour de moi. C’est le premier jour depuis des mois où il fait si chaud. Le soleil brille, le ciel bleu serein, et cette rencontre de hasard devenue bavardage sympathique de se concrétiser face à face. La curiosité aiguisée et de nouveaux possibles. Conversation polie, ou pétillement commun.
Je suis timide.
Et il fallait que tu le sois aussi.
Si je puise ma contenance dans le tortillage de boucles et le mordillement de lèvres, toi tu dois être en train de triturer ton T-shirt et rajuster ton sac à dos dans le métro. A notre timidité s’ajoute la crainte d’en faire trop pour masquer le trouble, ou de ne pas en faire assez, surjouer ou apparaître nonchalant. En tout cas tous deux attentifs à chaque geste, à chaque mot, à chaque détail, ayant peur du sens que l’autre et nous-mêmes leur donnerions.
Pour se reconnaître, quelques indications : je feins l’aisance avec ma « description Natacha » (« je suis grande, rousse, les yeux bleus (et je viens du froid ? Ah non…) ») tandis que tu choisis d’être factuel en composant juste quelques minutes avant d’arriver un message très sobre, descriptif et vestimentaire : « Moi, veste en cuir ».
Mais comme les mains moites ou les bas filés, comme le maquillage qui coule ou la braguette mal rajustée, il y a de ces moments où le trouble que l’on voudrait masquer ressort au grand jour, où Otto, l’autocorrecteur de ton téléphone prend un malin plaisir à te jouer des tours. Il transforme cet écrit qui nous est cher, il conserve l’orthographe certes mais éloigne l’énoncé de l’intention première en soulignant exactement ce que tu voulais cacher. Ton trouble. La dénotation sera équivalente mais la connotation aux antipodes. Et là, tu n’as et je n’ai que quelques centièmes de secondes pour rougir ou devenir muet de honte ou nous approprier le moment…
Otto le Correcteur nous teste, et ce faisant nous dévoile à l’autre.
Tu arrives, une panique mêlée de fou rire dans tes yeux et un geste fataliste déjà dans tes mains : « Ah… oui… euh, voilà, enfin… » et tout à trac tu m’assènes « surtout ne lis pas tes messages !!! ». Il n’en fallait pas plus pour que je me rue sur mon téléphone pour trouver le message, le lire… et être prise d’un fou rire dont l’équivalent soulagé commence de gagner tes lèvres et tes yeux.
Otto le Correcteur facétieux avait choisi de composer…
… « Moi c’est cuir »…
Illustration trouvée ICI.
Ce qui donne une coloration originale à une première rencontre, tu ne peux par le nier. Et la question suivante : comment minauder et rester timide après ça, hein ?
Et les actes manqués typographiques de nous aider à briser la glace comme on franchit un écran… Si simplement.
Larmes.
De rire.
Et j’ai su.
* Otto aime corriger. C’est un correcteur automatique disponible sur IPhone, tablettes et smartphones qui a tendance non seulement à suggérer n’importe quoi, mais surtout à corriger sans ton accord. Si tu recours à lui, tu ne verras plus jamais la vie de la même manière…
Presque dommage qu'aucun Otto (je te le pique) ne t'aie fait répondre "moi c'est moustache" 😀
@ Nekkonezumi : MOUAHAHAHAHAH !!! Cela aurait été absolument grandiose !!! 🙂
[…] y avait eu Otto le Correcteur, des sons partagés, des émotions, puis un pot de fleur, énorme et rose (évidemment). Le bout du […]