Une scène improbable.
Les ruines d’une usine textile dans l’est de Bombay. Entassements de gravats, de pierres, de poutrelles arrachées. Fenêtres aveugles et charpentes dénudées. Les riches de Bombay, les investisseurs et les magnats de tentaculaires conglomérats s’en écartent, ferment les yeux, finissent par se convaincre que cela n’existe pas. Que Bombay n’est faite que de soirées branchées au Aer et de nuits poudrées à Juhu. Et ce Bombay-là de ne plus exister.
Jusqu’à ce qu’ils arrivent.
Elle vit à Bombay, son anglo-indien est parfait, les accentuations arrondies ponctuées des trémolos de sa manucures parfaite. Lui, c’est son neveu : son anglais est exemplaire parce qu’il vit à Manchester. Depuis toujours. Il vient à Bombay en vacances, voir sa tante, « le pays ». Ils se promènent, cherchant le vrai-faux antiquaire caché dans ces friches*. Et tout à coup… la photo. La photo de ce qui n’existe pas, d’un Bombay ignoré qui reprend tout à coup vie : lui le voit, lui l’a vu, lui la veut devant cette vue.
Et elle finit sans doute aussi par voir…
Car seul le regard de l’autre rend le monde réel.
* Antiquaire à la mode, qui m’a valu les plus grands éclats de rire en la matière : meubles faux récents frelatés hors de prix et surtout… quand on vend du chinois pour du japonais, du Qing pour du « très ancien, genre si ancien que ce serait du T’ang », je ricane… Mais à l’aplomb on résiste rarement…
Note : pour une autre mise en abyme bombayite, c’est ICI.
//lui le voit, lui l’a vu, lui la veut devant cette vue.//
comme tu as ré découvert Paris avec ton amie japonaise...