Une question que l’on me pose, « Alors, qu’est-ce que cela fait de revenir en France ? », et qui trouve sa réponse dans mon énergie et mon sourire retrouvés…
Être en France ? J’aurais pu être ailleurs avec autant de joie. Mais rompre avec un quotidien de lutte, contre et pour, et d’enfermement délétère, cela fait du bien. Se réapproprier sa vie, ne plus être en attente mais aller de l’avant. Avoir rompu aussi avec ceux qui m’étaient nocifs.
Quoiqu’il y ait toujours des hauts et des bas, l’expatriation temporaire joue sur les étapes : un an ou moins c’est aisé, deux ans c’est agréable, trois ans est un maximum. Aller au-delà dans le contexte indien, sans possibilité de travailler, sans vouloir faire d’enfants parce-que-jet’assure-c’est-le-moment-les-nounous-sont-moins-chères-et-tu-n’as-rien-d’autre-à-faire (entendu, vu, vécu) et on y laisse des miettes de soi…
Je reviens bien évidemment changée, et… je m’amuse de mon air réjoui par tout et rien, du regard incrédule de mes amis me voyant photographier un Paris que j’ai arpenté durant dix ans. Et le regard plus attentif encore qu’avant, je savoure à l’envi ce qui était pour moi des évidences et qui, en réalité, n’en sont pas. Une facilité toute occidentale m’a manqué bien sûr, mais surtout l’indépendance des gestes, des idées, des mouvements, des corps.
Alors, dans la cuisine, #ChouyoRedécouvre…
… le plaisir du choix. De pouvoir, au gré des envies, me procurer légumes et des fruits savoureux. Hésiter entre différentes espèces, et ne pas renoncer à les manger crus parce qu’ils ne sont ni mûrs ni bons et qu’il vaut mieux, comme en Inde, les faire cuire en les noyant dans la graisse et la sauce. Pour la première fois depuis 2 ans, j’ai cuisiné avec plaisir… Ce fut orgasmique.
… goûter ce plaisir incommensurable des ignobles-produits-tout-prêts : oui, Bobo, rugis et bondis, mais qui n’a vu de boîte de conserve, de surgelé digne de ce nom ou même de Big Mac dégoulinant ET rempli de boeuf pendant des années sait la jubilation de se laisser aller à cette nourriture facile, roborative, jouissive tant elle est régressive et bonne à la fois, avec une avidité et une satisfaction réelles. Je te laisse tes lentilles corail bio sans sel, ça ne m’intéresse pas.
… le bonheur de laver sa vaisselle à l’eau chaude. D’avoir une éponge digne de ce nom, qui absorbe et gratte.
… la joie de remplir son verre directement au robinet, de croquer à même la peau d’une pomme, savourer son âpreté, son croquant. Et ne pas passer les trois jours suivants sur les toilettes.
Et dans l’appartement, #ChouyoRedécouvre…
… le bonheur de brancher une prise sans grésillement, craquements ou éclairs électriques jaillissant du mur. Savoir en toute confiance que la terre est réellement raccordée, que le disjoncteur fonctionne, sans même vérifier.
… le plaisir incroyable de se glisser dans des draps secs, exempts de cette moiteur résiduelle et de l’odeur de moisi qui l’accompagne qui imprégnaient tout en Inde. Tes vêtements, tes serviettes, et même ta peau retrouvent leur odeur d’origine. Tes cheveux aussi d’ailleurs, ils redeviennent comme tu les as toujours connus (un peu fous) et tu ne les perds plus puisqu’ils ne luttent plus contre la chaleur, la pollution, l’humidité et le manque chronique de protéines et de vitamines.
… dormir sans le vrombissement du ventilateur, dans le calme et l’air statique, sans le ronronnement de l’air conditionné, sans les éclats de voix des gardiens et des passants à n’importe quelle heure de la nuit. Sans klaxon non plus.
Et chaque jour, #ChouyoRedécouvre…
… l’intensité de ce moment longtemps désiré, le crépuscule lent et long d’un soleil qui prend le temps. De se coucher, de se lever, de laisser ses rayons darder les immeubles et le ciel. Pas le rideau abrupt des tropiques mais la transition poétique d’un monde à un autre, qui se fait magique à mesure que l’été s’installe…
… se réveiller au gazouillis des oiseaux, au roucoulement des pigeons, bien loin des croassements et piaillements vindicatifs des corbeaux et perroquets de Bombay. Entendre le vent faire frémir les feuilles, oui, en plein Paris. Des feuilles qui sont vertes qui plus est, pas maculées d’une poussière millénaire.
… l’étonnement de se sentir totalement seule dans son immeuble. Des voisins et gardiens tellement discrets que j’ai pensé un temps qu’ils étaient peut-être tous morts… mais la voix d’un enfant de temps à autre, de la musique éloignée parfois, je ne suis donc pas toute seule.
… le plaisir des trottoirs véritables, des passages piétons existants et respectés, d’un urbanisme qui tâche d’organiser et mêler plutôt que de privilégier et ségréguer.
… et bien sûr les mains qui se tiennent. Les lèvres qui se cherchent. Les seins qui affleurent et les jambes dénudées, les regards sensuels et les gestes amoureux. L sensualité exprimée publiquement, au sommet de l »Etat même dans le baiser du triomphe et un couple non marié, sans qu’on y voit le mal, sans y chercher le déshonneur. Juste des gens qui s’aiment, prennent du plaisir à se sentir désirables et qui le partagent. Au vu et au su de tous. C’est ce que l’on cache qui tue, pas ce que l’on montre.
Pas très loin de chez moi… je suis donc bien à Paris je crois !
Alors #ChouyoRedécouvre ses réflexes, une suite de gestes inscrits sur ma partition urbaine. Assise en terrasse, café allongé, penchée sur un livre… en-queue-en-tête pour le prochain changement de métro… téléphoner sans décalage horaire… la radio qui dit la bonne heure… les expositions, films et pièces de théâtre à foison… et toute l’Europe à nouveau à quelques pas.
Oui.
J’ai des plaisirs simples.
Génial cet article.
Tu sais qu'après un mois passé en Inde, j'ai ressenti cela en rentrant en France. Donc, je ne peux imaginer l'ampleur de ton ressenti après trois ans passés à Bombay!
Des bises, j'espère te revoir sur Paris, tu es la bienvenue à Genève quand tu veux.
Après avoir découvert l'Inde jusqu'à ses tréfonds, Chouyo redécouvre la France et ça fait du bien à lire aussi!
et pourtant l'inde va te manquer. yes yes.
Magnifique article et superbe blog. Je suis à Chennai depuis 1 mois et j'ai également ressenti tout ça, merci 🙂
Ton article "L'inde nuit à la santé" est magique et tellement vrai! Ca fait du bien d'entendre (de lire) ce qu'on ressent aussi ici,
Bref trop bonne découverte, je vais le parcourir de long en large! Merci!