Il y a une dizaine de jours, la communauté sikhe fêtait la naissance de Guru Nanak, le fondateur du sikhisme. Pour faire court, une religion fondée au XVème siècle qui emprunte de nombreux éléments à la spiritualité de la bhakti hindoue et à la mystique soufie de l’Islam. Monothéisme et transmigration des âmes, une religion syncrétique indienne s’il en est…
Mon premier contact avec les Sikhs se fit par des élèves. Ils m’avaient amené pour un travail sur le paysage une photo du Temple d’Or d’Amritsar, le lieu saint du sikhisme. J’avais trouvé cela très beau, étonnant, mais… rien de plus. Un palais doré entouré d’un bassin et d’une colonnade de marbre blanc, c’est beau et… voilà. Je ne me doutais pas que quelques années plus tard, à la frontière pakistanaise, j’y vivrai la seule expérience humaine, humaniste et solidaire à laquelle il m’ait été donné d’assister jusqu’à présent en Inde.
Oh bien sûr on peut expérimenter cela ailleurs en Inde. Mais j’avais trouvé que dans les grandes processions hindoues festives et la transe des fêtes musulmanes, j’étais exclue du fait de ma non-appartenance religieuse malgré, parfois, les signes extérieurs d’inclusion. Dans les ashrams confidentiels ou ceux des stars et des bobos, c’est la démarche personnelle qui compte, pas la communion. Et au crépuscule devant certains temples hindous et mosquées, quand le repas est distribué aux intouchables de la rue, la rapidité, la brusquerie, nous rend irrémédiablement étranger à la scène, par la couleur de peau et la non-appartenance à nouveau. On ne peut ni aider, ni participer.
Une atmosphère si exclusive que j’avais abandonné, dans l’individualisme régnant de l’Inde, l’espoir d’y trouver un sentiment de solidarité qui me permette de me sentir… intégrée.
Et il y eut le Temple d’Or…
La foule d’un dimanche sous le soleil brûlant de mai.
Les plus beaux salwar-kameez et la dupatta sur les têtes féminines, les plus beaux turbans sur les cheveux des hommes. Parfois les femmes portent le turban aussi, et les petits garçons arborent cet étrange charlotte couvrant la tresse devenue chignon sur le sommet du crâne. Et pour les hommes qui n’ont pas de turban, un panier de grands mouchoirs pour s’en couvrir le chef. Et je m’aperçois que j’aime ce panier qui crée la parité, les kippas du sikkhisme qui couvrent toutes les têtes, pas seulement celles des femmes.
On repère des détails, des signes. Les femmes portent aussi le poignard symbolique, le kirpan, un des cinq K du Sikh initié (avec le kesh (barbes et cheveux non coupés), le kanga (peigne), le kacchera (caleçon) et le kara (bracelet de fer)). Propreté, décence, retenue et défense de la dignité contre l’oppression et l’injustice.
Et je cherche ces détails avec l’oeil de celle qui découvre.
On vient en famille au Temple d’Or, on y parle, on y rit, on s’y promène. Les hommes y accomplissent les ablutions rituelles, attachés par une chaîne aux escaliers de marbre. S’assoir sous la colonnade ou sur les marches, contempler l’or qui scintille devant mes yeux et le marbre qui flambe sous mes pieds.
Les cheveux également voilés, je regarde. Et on me regarde aussi. Dans la confusion de voir surgir de cette silhouette en punjabi le visage d’une Occidentale. La surprise passée, les bras qui s’ouvrent et cette grand-mère qui me serre dans ses bras, et ces jeunes filles qui s’empressent, et ceux qui posent des questions leurs enfants dans les bras. Rare, aucun ne me demandera si j’aime l’Inde ou si j’aime ce lieu.
La sérénité de l’endroit qui perdure dans le joyeux va-et-vient et les psalmodies des hauts-parleurs rendent la réponse évidente.
[La suite ICI et ICI.]
Il parait que c'est un endroit qu'on ne peut qu'aimer. Je crois que je voudrais voir.
@ Shaya : c'est exactement ça, un endroit qui a beaucoup plus d'effet que ce à quoi on s'attendrait !
Bon... faut que j'arrête de passer sur ton blog, ça me rend de plus en plus impatient de partir dans le Kerala... 🙂
@ David : le Kérala ? Hmmm, il va y avoir de quoi photographier alors 😉 Bon voyage !!!
Je l'attendais ce post ! : ) je retrouve dans ton texte exactement ce que j'avais senti en regardant un reportage sur France24, un endroit non seulement unique en Inde, mais dans le monde je dirais !
@ M1 : et ce sont trois billets pour un alors ! C'est exactement ça, un endroit absolument étonnant... mais tous les gurudwara que j'ai fait m'ont donné le même sentiment en fait !
Qui a me répéter et à passer pour un disque rayé, je le répète encore et encore: le Temple d'Or est pour moi le seul endroit au monde et en Inde (surtout) où je me suis sentie tranquille, apaisée, accueillie avec une réelle gentillesse et bonté. L'ambiance qui règne dans ce temple est magique, et moi qui suis spirituelle et ouverte au divin comme une porte de prison, et bien j'ai été touchée et émue. Réellement. Je ne sais pas si ce sont les chants, les gens, la beauté et le calme des lieux, mais il s'est passé un truc...
@ Blogi : moi j'aime bien quand tu te répètes, alors tu peux te répéter autant que tu veux, hihihi ! Voilà, apaisée et accueillie, c'est exactement ça... 🙂
superbe... Fut une époque où il y avait des tensions avec les Sikhs...
@ Des pas perdus : merci 🙂
Absolument, toute la fin des années 1970 et les années 1980, il y a eu un sécessionisme sikh, et l'attaque du Temple d'Or par l'armée sous les ordres d'Indira Gandhi puis son assassinat par ses gardes sikhs n'a pas apaisé les choses (émeutes, pogroms etc.). Actuellement, il y a toujours une rébellion sikhe mais je crois qu'elle est nettement sous la botte indienne ?
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