Ils parleraient. Ils raconteraient bien des choses. Ils s’accouderaient au comptoir à la fin de leur journée, qui un ballon de rouge, qui un petit noir. A se parler de leurs vie, des habitués, de la fatigue du travail. Et parfois sans doute de ces étranges clientes…
La première, seule, paraît souvent un peu mal à l’aise. Elle attend, guette, et quand enfin elle est rejointe par une ou deux autres, tout indique qu’elles ne se connaissent pas. Elles se cherchent du regard, vérifient les vêtements, couleur des cheveux, cherchent un signe distinctif. J’aurai un sac bleu, j’aurai une valise, j’aurai une écharpe rose. Le signe de reconnaissance… Elles sont hésitantes, se faire la bise ou pas, et trop polies pour se connaître déjà.
Quand tout à coup un éclat de rire fuse, l’écran se soulève et le bavardage s’intensifie, se gonfle, la crue de paroles inonde la table, le café, la rue presque. Tant et tant à se dire, quand le petit moment de gêne est surmonté. Franchement ? Les serveurs qui blogueraient diraient que cela pourrait bien être de ces personnes qui se rencontrent sur Internet et se voient pour la première fois. S’observent, intimidées, et à tâtons retrouvent l’intimité évidente qui est la leur.
Si les serveurs des cafés bloguaient, ils raconteraient. De ces rencontres à quelques pas d’une gare, des cafés serrés qui allongent le temps, des ours faits de guimauve.
Comme ces deux-là. Deux tigresses, l’une a la crinière, l’autre le regard étincelant. L’une aime le Bengale, l’autre Mahler et Brahms. C’est dire leurs goûts exotiques. Dans le froid matin d’un entre-deux trains, elles ont échangé quelques mots à la volée au-dessus d’un café brûlant, rattrapés et relancés quelques semaines plus tard au milieu d’une jungle, assises sur des peaux de léopard, entourées de défenses d’éléphant et de casques coloniaux. C’était en plein Paris pourtant, « Au Baroudeur ». C’était bien trouvé, une de ces coïncidences de café qui parle en déliés sur la devanture d’un autre… Une heure toujours.
Mais il y aura plus. Près d’une gare sans aucun doute.
Et puis il y a ce jour de pluie où elles sont venues de la gare. La première, arrivée seule, s’est assise en guettant avec impatience, anxiété un peu, à travers la grande baie vitrée donnant sur l’avenue. Tout à coup, son regard s’est éclairé, un sourire hésitant auxquels deux sourires si proches et rayonnants lui ont répondu. Elles pensaient juste une heure, Paris s’offraient à elles. Mais une salade amenant une aumônière, blotties autour de la table, le reste du café s’est figé ce jour-là. Les mots et les phrases se sont enchaînés, les émotions et les histoires se sont reliées. Et quelques heures ont alors paru des minutes.
Du gris au ciel mais du mauve au coeur ce jour-là.
Et puis il y a ces deux-là. Les yeux verts et les yeux bleus, les mains virevoltantes toutes deux. Des histoires et des rires dans une ville à l’accent qui chante. Des questionnements se sont répondus, des sentiments se sont retrouvés et des histoires se sont reconnues. Jusqu’à ce souvenir ému, poignant, d’une émotion partagée une nuit aux deux bouts de la terre et là, à nouveau, sur un quai de gare.
Un train qui mettra toujours quelques minutes encore à partir parce qu’il y a tant à se dire.
Il y a des serveurs qui auraient beaucoup à raconter sur ces rencontres. Les pseudos qui brouillent les pistes mais s’emmêlent dans les prénoms, les masques qui tombent pour révéler des visages évidents. Et cette intimité palpable de ceux qui se lisent et s’apprécient sans jamais s’être vus.
Sans exigence aucune, sans contrainte jamais. Du respect, du doigté, des rires partagés.
quand j'ai lu "serveur" j'ai pensé serveur informatique. Pas serveur de café.
Je crois que j'ai besoin de décrocher un peu de la geekerie....
MaO, faut vraiment que tu décroches ^^
@ M1 : hihihi, c'est aussi ce que je me dis quoiqu'il m'arrive en cherchant un livre dans ma bibliotheque de penser Ctrl+F... 😉
@ MaO : mouahahahah ! J'ai adore... 🙂
Je me dis aussi qu'il y aurait des histoires à raconter, des témoins de la vie, des vies !
@ M1 : oh oui, et les cafes sont sans doute un des endroits ou se dit le plus de choses, ou se passent beaucoup de moments importants et forts... 🙂
Un lieu qui fait mémoire, qui reste dans un ancrage affectif. Les visages et les mots, le sentiment d'une très belle rencontre. La conviction qu'il n'y a pas de hasard. Et ce lieu devient bien plus qu'un café.
@ Madame Kevin : c'est exactement ce que je ressens aussi... Un lieu-madeleine.
"Sourire, gentillesse, convivialité & générosité. Café, thé et chocolat"
On pourrait penser que tout est dit, mais il en reste encore tant !
J'ai souri dès le début parce que je me revois répondant au garçon qui vient prendre la commande un "Non merci, j'attends quelqu'un" l’œil rivé sur la porte d'entrée. Et que je me suis moi aussi demandé ce qu'il pouvait bien en conclure 🙂
La tigresse s'incline devant ta crinière flamboyante.
@ Nekkonezumi : quand on a vu cette devanture et ces mots, cela nous a semble une coincidence evidente 🙂
Ma chere Tigresse, j'attends avec impatience une prochaine gare...
Waouh c'est beau.
@ Br'1 : merci beaucoup !
Bon, superbe billet mais je suis déception ! J'attendais un billet compte-rendu sur l'arrivée de Ma lapine en Inde...
Je reviens demain !
@ Des pas perdus : merci beaucoup ! Ta Lapine est bien arrivee, elle s'acclimate fort bien d'ailleurs (elle dodeline presque !) et les billets arrivent si lq connexion le veut bien... 😉
ouaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ça donne envie de te rencontrer,pas de faire serveur,ça je l'ai hélas déjà fait( heureusement qu'il y a des clients intriguants pour pimenter ce boulot très difficile!)de retour a Bombay?
@ Zaneema : si je passe dans ta region, ce sera un nouveau cafe et de nouveaux serveurs qui pourront parler 😉
De retour a Bombay, oui !, et deja repartie en vadrouille en Inde !
Toujours rien ! J'appelle le service des réclamations !
@ Des pas perdus : ouiiiii !!! Dis-leur d'ailleurs que les connexions a Hampi, c'est n'importe quoi !!! Je pense en plus que le service des reclamations doit etre en Inde, peut-etre la porte a cote... mouahahah !