Saudade from Bombay

Au-delà des cocotiers et des aventures fabuleuses, l’expatriation c’est aussi faire l’expérience de la saudade. Je choisis évidemment à dessein un mot intraduisible, quelque chose qui pourrait être seulement chanté doucement à la fenêtre en regardant la brume sur la mer.

Ce qui dans un contexte bombayite se traduirait « chanter à tue-tête pour couvrir le bruit des klaxons en regardant les embouteillages de Chowpatty Beach ». Mais l’idée est là.

Le déracinement est fort, violent, même s’il est voulu. La confrontation avec la ville, les autres, le pays et soi-même surtout est permanente, usante, une véritable lutte de chaque instant (tout expatrié de Bombay te dira à quel point tu peux passer d’une minute à l’autre de l’amour fou à la rage folle, chaque jour et plusieurs fois par jour : on vit ici un orgasme épuisant).

Il y a ceux qui partent aussi. Cette année a été rude en la matière, le cocon de douceur que l’on se tisse avec fébrilité tant les choses vont vite ici s’est effiloché, perdant son côté rassurant. Leurs voix me parviennent et j’aime les entendre, des mots doux chuchotés du lointain.

D’autres les ont remplacés, mais il faut le temps et la patience de reconstruire le nid.

Il y a ceux qui ne viennent pas, qui n’appellent pas, qui ne répondent pas.

Il y a l’angoisse du lendemain, du déchirement que ce sera de quitter cette ville un jour quoique le soulagement sera au moins aussi grand. L’angoisse de ce qu’il adviendra des conquêtes, des projets, des gens. L’angoisse de ce qu’il adviendra de moi, aussi.

Saudade.

HIIIIIIIIIIIII !!!(0)Boah...(0)

28 commentaires

    • @ Shaya : c'est exactement ça, les choses sont décuplées et il faut arriver à remettre les choses à plat, sereinement. Pas facile parfois 😉 !

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  1. Mais t'arrête! Tu viens de me donner le cafard!
    (Oh mon dieu, je m'aperçois de ma blague en l'écrivant! Promis, c'est même pas fait exprès!)

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  2. Te voila saudadewalla maintenant ! : )
    Joli post ! C'est vrai qu'au-delà de ta "douce haine" de quelques aspects mouahahesques de la vie à Bombay, je te sens très attachée et très tendre avec ce pays !

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    • @ M1 : oui, tendresse pour les gens que j'y rencontre et pour cette résilience tranquille que j'admire vraiment (quoiqu'elle m'énerve au plus haut point en même temps). "Douce haine" par moment et "tendresse agacée" la plupart du temps. Marrant, c'est aussi ce que j'éprouve pour la France : comment ça je marche à l'affectif ??? 😉

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  3. Mist...mon clavier me joue des tours (ah la la ces claviers allemands!!!). Je disais donc: il y a toujours un côté "je suis mieux ici qu'en France et comme ça je peux critiquer les deux" (loin de moi cette idée;)) et un côté angoissant: et si on restait pour rater des choses "chez soi"? ou alors si on partait pour en fait revenir à une vie qui ne nous convient plus? Je comprends parfaitement ce que tu veux dire...j'ai donc pris une décision simple: ne pas me poser de questions. Tant que je me sens bien où je suis, je reste. Tant que je me sens bien, je ne pense pas à l'avenir et je fais exactement comme si j'avais toujours vécu ici. Pas toujours facile (surtout si tu vis à Bombay...) mais je t'assure, auf dauer, ça fonctionne. J'ai 18 mois d'expatriation dans les pattes maintenant...ehrlich!

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    • @ Pauline : tu as tout à fait raison, pas de questions et profiter du plaisir présent. Même si parfois les questions rattrapent (et là, il faut courir vite, et avec cette chaleur, pfiouuuu)...

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  4. Le sentiment d'être ailleurs et chez soi à la fois... il est très beau, ton texte.
    La saudade en musique pourrait être d'Etienne Daho, mais faut pas pousser, quand même !

    Plutôt Saudades do Brazil de Milhaud
    http://www.deezer.com/listen-744330

    Et le roi de la nostalgie joyeuse ole-ole, mon Maurice que j'aime, pour retrouver le plaisir de la danse
    http://www.deezer.com/listen-6979544

    Un bisou de la saucisse de Toulouse

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  5. Oh la la, mais comme je te comprends... Ça me rappelle un autre pays, et comme j'ai eu du mal à partir... A côté de ça, l'Espagne, c'est rien du tout... Mon Dieu, j'en ai la chair de poule...

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    • @ Fanette : en fait, j'imagine que l'on ressent cela partout, à partir du moment où l'on quitte, où l'on découvre, où le retrouve, où cela manque... Quelle que soit la distance. L'Inde a effectivement ceci de particulier que tous les codes, toutes les habitudes, toutes les valeurs aussi sont remises en cause, mais je ne suis pas sûre que ce soit ce qui fragilise le plus.

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  6. ne t'inquiète pas, c'est normal de ressentir ces émotions, surtout en habitant aussi loin.
    Il y a toujours un pincement au coeur quand on rate un anniversaire, une soirée ou "tout le monde était là", quand on entend "tu nous as manqué", etc.., mais avec tac vous vivez une belle expérience, vous avez pu voir des choses magnifiques, tu profites d'une autre culture etc..Et puis dis toi que si c'est difficile de voir des expats partir, c'est pour mieux accueillir de nouvelles personnes et de les faire profiter de ton expérience.

    Je t'envoie des milliers de pensées positives (oops, me voilà devenue Lorie, OMG)

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    • @ Pimousse : ce qui est marrant, c'est que ce pincement je ne les éprouve pas du tout pour les anniversaires, dates ou événements que je rate, car souviens-toi que cela a presque toujours été le cas (les joies de la garde alternée, qui t'apprend qu'une date est importante et pas tant que ça finalement). Et les amis ne racontent pas grand-chose de ce côté-là.
      Mais merci pour ton soutien, cela me fait du bien !

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  7. Si j'ai bien compris: tu as été la nouvelle que les "vieux expats" ont accueillie; en t'aidant ils t'ont appris et tu as grandie; maintenant c'est toi qui est ancienne, qui accueille et apprend aux autres; et un jour tu les quitteras...
    C'est une métaphore de la Vie, non?
    Signée: une qui as du mal à réaliser qu'elle était la plus jeune de sa cour commune il y a plus de 37 ans; et qu'à part un couple âgée encore là, elle va bientôt devenir la doyenne...

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    • @ Jelaipa : en fait... non ;). Personne ne nous a accueilli justement à Bombay, ni dans l'entreprise de Tac ni de la part du Club France (censé aider, en revanche nous demander la cotisation au bout de trois jours, ça oui...) ni d'aucun expatrié. Ce qui explique que l'on se soit débrouillés sur tout. En revanche, même si c'était un an et demi plus tard, j'ai trouvé beaucoup plus d'entraide et d'accueil chez les Australiennes, Américaines, Britanniques, Allemandes etc.
      Je vois aussi le changement, le vouvoiement qui apparaît chez les étudiants et stagiaires que je rencontre, que je me charge de changer aussi vite que possible en tutoiement : plus pour chasser le côté guindé qu'arborent d'autres que pour une question d'âge d'ailleurs...

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      • Aïe! je suis passée de l'autre côté: je commence à tutoyer les trentenaires qui eux sont d'accord mais n'arrivent qu'à me vouvoyer...
        Sinon pour l'accueil français: je ne suis guère surprise...
        Et les espagnols? Car cet été perdue dans Figueras lorsque je demandais "théatro Dali" (je ne parle pas l'espagnol!), les gens me regardaient et partaient sans me répondre!?!

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        • @ Jelaipa : ah, je tutoie dès que possible les cinquantenaires et plus. Soit ça leur plaît et c'est bien, soit ça ne leur plaît pas et...
          Les Espagnols ici sont surtout des jeunes, donc très sympathiques ; je ne sais pas après comment se fait l'accueil (et s'il y a un) entre hispanophones. En tout cas, Figueras étant en Catalogne (si c'est bien celui-là), les gens croisaient ne devaient vouloir comprendre que le catalan peut-être ?

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  8. My dear Moufette,
    Tu es l'expatriée la plus géniale du monde, tu permets aux petits nweby de survivre à Bombay et surtout tu leur donne beaucoup, beaucoup de force... J'en connais une, elle végète actuellement chez ses beaux parents dans une petite ville du sud de la France où, chose étrange, il pleut et il pèle et bin penser à toi lui permet de survivre à la belle mère, à la bonne paye et à stade 2....
    Courage, je peux envoyer du coup farci si tu veux.
    Des bises
    V

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