Les photos choisies pour le Blog à 1000 mains ont toujours un effet psychologique sur moi. Mes mots s’y perdent, ma réflexion s’arrête sur un point, un seul, et ne parvient plus à s’en défaire.
Tiens, j’aurais pu intituler ça « De l’origine supposée de la vadrouille »…
Il y a des errances chez moi, avant moi, en moi sans doute.
Celle d’un grand-père, à l’empreinte encore lourde sur les mémoires familiales, obtenant à l’aube de sa vie d’adulte des visas pour la Bolivie, fuyant l’Allemagne mortifère pour reconquérir un statut d’être humain.
Celle d’un père, à l’empreinte encore lourde sur ma personnalité, fuyant à l’orée de sa vie d’adulte une famille qu’il subit comme mortifère pour conquérir un statut social, pour créer quelque chose qu’il ne devra qu’à lui-même.
Et il y a quinze années de départs et de retours, le coeur serré et joyeux à la fois, dans un rituel heurté des ajustements de dernière minute. Quinze ans où la valise a constitué mon seul et unique point de repère, mon seul foyer. Toujours près de moi, toujours avec moi, trimbalée d’une maison à l’autre chaque mercredi, débordant au fur et à mesure des années de tout ce qui me tenait lieu d’habitudes : livres préférés, vêtements, produits, disques, cahiers, bibelots même. Il ne fallait rien oublier, et il m’arrive aujourd’hui encore de ressentir en rêve cette angoisse déchirante d’avoir oublié le livre, le jean, la petite boîte qui faisaient la continuité dans ma vie. Le seul autre fil continu était l’école.
Partir signifiait renaître. Laisser derrière soi une semaine d’habitudes retrouvées, de tensions, d’affection trop forte et donc injustifiable à mes yeux d’enfant partagée entre deux familles. Laisser derrière soi les conflits pour aller vers un ailleurs serein : j’arrivais dans un havre de paix, quelques jours passaient, les tensions croissaient et je repartais vers l’ailleurs, à nouveau accueillant après cette semaine entre parenthèse.
Il y a désormais moi, ni à l’aube de ma vie d’adulte, ni démunie, fuyant un système dont je refuse les contraintes, où le fil continu s’est brisé, où l’école a trahi. Refusant un être-là stagnant et sclérosant, me construisant dans une dynamique de l’ailleurs, du différent : si je veux accomplir, je dois créer à partir de rien. Fuir le havre chaud et pétri d’habitudes pour me confronter au réel, à l’inconnu, à ce qu’il faudra façonner. Comme d’autres avant.
Il y a quelque chose du phénix dans la vadrouille.
[Allez, hop, dix ans de psychanalyse en moins : youpi !]
Ce qui t'a tout de même permis de nous faire un bel article de salle de bain!!!!!!
Et puis, il y a ceux qui ne bougent jamais....
@ Le Journal de Chrys : c'est vrai ! Peut-être ceux qui ne bougent jamais sont-ils "attachés" par quelque chose qui les retient : parfois, je le sens et parfois cela me manque.
Oui, je pense effectivement que vivre dans une valise, ça enrichit (tu aurais tout ça à raconter, si tu n'avais pas ce bagage dans ta valise, hein ? ;-)), mais il y a aussi un vide qui doit lasser...
@ Nekkonezumi : vivre dans une valise, c'est pas loin d'être ça ! Tu as raison, si parfois l'absence de vrai port d'attache me manque, je me rappelle que tout ça m'amuse aussi beaucoup et me permet d'apprendre des choses, sur les autres et sur moi.
Très beau texte ... et très personnel aussi! 😉
Bisous ma belle
@ Shaya : merci, personnel effectivement, me concentrer sur ces photos fait resurgir à chaque fois pas mal de choses, c'est fou !
Dans ce texte, on perçoit cette "errance" comme un projet positif qui construit et se construit !
Et puis une errance comme sur la photo, c'est sexy : )
@ M1 : oui, c'est exactement ça et c'est sans doute pour cette raison que je l'assume. Quitte à errer, autant être bien apprêtée ! (Nouveau slogan à développer...)
Quel texte ! J'ai du mal à trouver les mots tant il y a de puissance, de souffrance, mais aussi de beauté stylistique dans ce que tu écris. Merci, merci de nous offrir ce texte pour "Jeux d'écritures".
@ Madame Kévin : de rien ! Ce que tu dis me fait très plaisir, et je suis la première étonnée de voir l'effet que me font ces photos.
C'est un très beau texte, qui m'a émue. Merci.
@ Sophie : merci beaucoup. Je suis moi-même un peu étonnée en le relisant...
J'ai beaucoup aimé ton texte, je l'ai dévoré en essayant de ressentir ce que tu ressentais. Il y a peu de temps que je te suis, et je me demande encore qui tu es, que fais tu en Inde ? Pourquoi as-tu tant voyagé ? Quelle est ta vie ?
C'est sympa de découvrir petit à petit ce qui te rend toi. De l'imaginer, de le deviner.
Moi j'ai eu des parents aimants et très casaniers. A ma majorité : pfiout ! j'ai littéralement déployer mes ailes pour voyager. Trop peur de rester accrochée quelque part, même si c'est très rassurant d'avoir un cocon familial solide ancré quelque part.
Merci en tout cas, ça fait réfléchir tout ça !
@ Melibu : merci beaucoup pour ce que tu écris là.
C'était assez inattendu, mais cette photo m'a permis d'écrire des réflexions personnelles sur lesquelles je cogite depuis des années. Partir et revenir est finalement devenu un besoin, je m'en suis rendue compte depuis longtemps, mais j'ai aussi franchi un pas décisif quand nous avons décidé de partir (et évidemment, j'ai poussé Tac même s'il était tout à fait partant de lui-même). J'en subis aussi les conséquences, mais j'imagine que pour toi, cela a du être pareil : un bien fou que de partir enfin, tout en gardant en tête qu'il faut un chez-soi au cas où ? Je me dis aussi que tout le monde ressent peut-être ça le jour où il devient adulte ? Je ne sais pas...
Pour la dernière phrase, je dirais oui... et ça coute moins cher ! mais le résultat... taratatata.....On dirait quand même que tu n'es pas ignorante de ces choses là !
Ton G.P. à l'orée de sa vie d'adulte...
Ton dad à l'aube de sa vie d'adulte....
Toi tu as passé le cap, t'es vieille maintenant !!!! et les valises sont sous tes yeux ! c'était mon "fond méchant" pour rigoler un peu de ce texte très..... poignant....
@ Ckan : héhéhé ! Non, il y a au bas mot douze ans de réflexion, seule ou avec ma soeur, pour essayer de comprendre, expliquer, expliciter notre histoire familiale. La thérapie, on l'a faite ensemble, il faudra peut-être en faire une vraie un jour, mais la possibilité que nous avons eue de nous soutenir et d'en rire, tellement !, nous a je crois préservées en partie.
Et tu as raison ! Les valises sous mes yeux (surtout en ce moment, hihihi !) et plus âgée aussi : peut-être la décision dans mon cas n'est ni dictée par la rage extérieure, ni par la rage intérieure, mais mûrement réfléchie. Ou peut-être pas, justement, hihihi !
Merci en tout cas de m'avoir lue !
Je rattrape mon retard tellement il y a de mains... Les miennes sont serrées et mes yeux mouillés.
Merci*
@ AurelieTheBest : bienvenue ici et merci d'avoir apprécié !
Hélas, hélas, deux de mes textes ayant été mis en ligne par les animatrices, puis retirés, aucun de mes commentaires ne passant plus le barrage de la modération, je crains que le Blog à 1000 mains ne soit pas tout à fait ce grand rassemblement communautaire d’auteurs et de texte dont on pourrait se féliciter, mais un endroit où des textes et des auteurs peuvent être censurés sans qu’on use de la plus élémentaire des politesses, consistant à les en informer ni qu’on connaisse les raisons de cette censure. Les détails sur mon blog.
Jimidi
@ Jimidi : je n'ai pas suivi ce qui s'était passé, mais merci de m'avoir donné ton point de vue.