Bombay est posée sur la mer d’Arabie. Sur l’autre rive, non pas l’Afrique mais Oman et la péninsule arabique. De manière assez symbolique, ce côté-ci de la ville est ponctué de mosquées soufies, marques de cet Islam mystique, ésotérique, illuminé qui s’est diffusé en Inde depuis plusieurs siècles.
Et quel lieu plus évident que la mosquée Haji Ali, sise sur la mer, sorte de Mont Saint-Michel musulman de la baie ? Fondée au XVème siècle autour du tombeau de Sayed Peer Haji Ali Shah Bukhari, un saint musulman (comme dirait le précédent chauffeur de Tac : « one of the muslim gods » , réinterprétation polythéiste très savoureuse d’un monothéisme), la mosquée est un des lieux les plus célèbres de Bombay. Un des plus étonnants. Presque jamais visité.
L’entrée magistrale, une grande porte ouvragée blanche cachée par des échoppes notamment d’excellents jus de fruits, conduit à une longue digue recouverte à marée haute qui serpente vers le lieu saint : grignoteries (énormes paratta notamment !), breloques, petits souvenirs sont étalés sur des stands (seulement du côté gauche, pourquoi ?) entre lesquels des mendiants et éclopés sollicitent la réalisation d’un des cinq piliers.
La marche est agréable, accompagnant l’éloignement concret et moral du bourdonnement de la ville. L’odeur est celle de mer à Bombay, lourde, salée, sirupeuse de saletés et de métaux lourds. Rapidement on s’y fait et on se laisse entraîner par la foule qui grimpe enfin les marches conduisant à la mosquée.
Et là, étonnement. Et l’on se souvient que l’on est bien en Inde : mouvements, cris, rires, conversations bruyantes, on vend des samosa, des chips, du chai. Que l’on déguste assis sur les rebords des remparts qui enclosent la mosquée, un joyeux bazar, très digne, très familier. Et, la raison de ma venue ici, en bonne compagnie, à la tombée de la nuit… des chants. Dans un kiosque face au large et à la mosquée, au tombeau du saint aussi, sept musiciens. Car tous les soirs des qawwalî, chants sacrés soufis, emplissent l’endroit de leurs rythmes, de leurs vers, de leur mystique sacrée.
Photo prise ICI.
Etonnement à nouveau, nous nous attendions à quelque chose de plus lent, de plus solennel, mais le rythme est enjoué (à l’exception du râga, introduction plus lente), accompagné de tablâ, du dholak (percussions) et d’un harmonium. Le qawwal (chanteur principal) lance une phrase, un vers en fait, repris par deux chanteurs assis autour de lui. Gestes de désignation vers la mosquée, rythme soutenu, répons, c’est entraînant tant la phrase musicale est reprisée, contournée, détournée, répétée, infiniment modifiée autour de quelques notes.
Des familles nous entourent, des groupes d’hommes seuls, des femmes qui bavardent, en sari ou en salwar, le pallu ou l’étole rabattus sur les cheveux. Les niqab sont rares ici. Un druze, reconnaissable à son habit et à son couvre-chef, au regard impressionnant (genre Raspoutine…).
Il y a quelque chose de rare à être assises à écouter ces arabesques vocales, au pied d’une mosquée, dans la mer d’Arabie.
Pour la route, un des plus grands chanteurs de qawwalî, Nusrat Fateh Ali Khan :
ça me fait penser à mes anciens voisins d'en face... t'imagines, tu prends le frais à minuit dans ta cours (centre ville) et t'as des chants mourides de l'autre côté de la rue... le pied... grave...
bon, entre le qawwalî et le calme de la note précédents... j'vais aller prendre des renseignements sur les passeports! 😉
@ Daydreamer : ça devait être tellement... hors du temps !
Héhéhé, ce serait très drôle que tu dises à l'Homme : "pas le temps d'attendre ta retraite, j'y vais avant. Non mais".
Cet endroit doit être drôlement sympa, j'imagine tout à fait la scène....
@ Ysa : oui, c'était très populaire, très digne aussi !
ça donne envie ....
Tu m'invites ?
@ FRa@mboize : pas de souci, on y va demain soir alors 😉 !
atta, y'a combien d'heure de vol ?
Merde... je crois que je vais être en retard encore une fois...
@ Fr@maboize : pour un vol direct, c'est entre 8h30 et 9h30 ; si tu as une escale, tout dépend où et durant combien de temps... Si tu te débrouilles bien, tu peux être là demain soir 😉 !
Tu ravives mon désir de voyage en nous contant tout ça!!!!
@ Le Journal de Chrys : ah, l'envie de voyage, voici quelque chose que j'adore ! C'est une envie tellement dynamisante, pleine de rêve et de créativité ! je suis très contente donc de l'avoir ravivée chez toi !
Magnifique évasion, et en plus j'aime beaucoup Nusrat Fateh Ali Kahn ! Dis moi, tu vois de ces paysage ! Je t'avoue que l' Inde devient pour moi une destination magique !
@ Océane : les paysages indiens sont réellement magnifiques, notamment dans les campagnes (il faut dire qu'à part les villes d'origine coloniales il n'y a pas de planification urbaine, donc les villes sont hideuses au premier abord), et il y a parfois des vues et des scènes absolument splendides. Ah, je suis bien contente alors ! Même si il faut aussi s'attendre à tous els autres aspects très désagréables (des rapports humains qui n'ont rien de magique), il y a effectivement des lieux et des situations tellement étonnantes que cela en devient un voyage hors du temps !
C'est une mosquée ? De loin je n'aurais jamais deviné...
@ Manu : oui, en fait c'est une mosquée autour d'un tombeau. C'est vrai que la localisation au milieu de la mer, au bout d'une digue, avec les palmiers, c'est assez déroutant !
one of the muslim gods ! LOL !
si je comprends bien, à la tombée de la nuit, la mosquée se transforme en club? : )
Attention, avec un tel emplacement, Christian Audigier n'est pas loin : )
@ M1 : c'est génial, n'est-ce pas ? J'ai adoré cette version hindoue de l'Islam, hihihi ! Effectivement, c'est le côté Ibiza de Haji Ali, mouahahahahahahah !
"le côté Ibiza de Haji Ali" lol : ) Et les djellaba c'est des Ed Hardy ? : )
@ M1 : oh, je suis sûre que je dois pouvoir trouver un petit magasin ici qui m'imprimera des tatoos sur une djellaba, hihihi ! Je peux lancer une nouvelle mode tu crois ?