Prasad, c’est le nom du facilitateur. Dis comme ça, cela sonne comme un titre de mauvais film d’action américain : Le Facilitateur, tadaaaaaam !
Le facilitateur, c’est celui-dont-personne-ne-parle, dont-presque-tout-le-monde-nie-l’existence mais qui-fait-tout-le-boulot-à-la-place-des-expatriés quand il s’agit de se faire enregistrer au FRRO. Qui n’est pas le Front de Régulation des Ragondins et des Otaries, mais le bureau régional de l’immigration de Bombay qui délivre un livret comme quoi tu vis bien ici. Un permis de séjour, en sus de ton visa.
Ce dernier expirant dans quinze jours, c’était le moment de faire la demande de renouvellement avec tamponnage du FRRO (quinze jours avant, pas plus tôt, attention…).
Peur, tremblements et sueurs nocturnes : car l’expérience du FRRO est UNE des dizaines d’épisodes colérométriques de l’Inde. Il vous manque tel papier, revenez demain, ah non il est en vacances et seul lui peut signer… Et autres il faut voir avec Delhi et je ne sais pas quand et je ne sais pas pourquoi mais ce papier n’a pas la bonne couleur.
Les dizaines de personnes écroulées dans une stupeur sans nom dans la salle d’attente surchauffée te sont comme un soutien : tu n’est pas seul. Tout comme les dizaines de Pakistanais et Bangladais deux étages en dessous. Hébétés, tous regardent un écran plat qui diffuse les informations en continu et reluquent ceux qui leur passent devant pour entrer dans la Salle Obscure aux Tampons alors même que les numéros du tableau d’affichage n’ont pas défilé.
Car il est un ordre de passage, au FRRO, qui défie les lois de la logique, de la bienséance, des statistiques, des mathématiques, de l’univers. Toutes les lois en fait.
Bien sûr, j’ai l’immense chance des expatriés envoyés par une entreprise bien implantée, car un facilitateur fait tout le travail (comprendre : paye au bon moment et connaît qui il faut et met mon dossier sur la pile). Le système ? J’imagine que la femme, la soeur ou la fille de Prasad et des dizaines d’autres Prasad qui arpentent le bureau du FRRO y travaillent ; que les Prasad louent leurs services aux entreprises et, en utilisant les tampons gracieusement disponibles de leur femme-soeur-fille, obtiennent et remplissent les papiers avant le rendez-vous, et font donc passer le dossier plus vite. Un bon plan, non ? Tu empoches le salaire de consultant, plus les pots-de-vins dont tu expliques la nécessité à l’entreprise qui t’emploie et que ta femme récupère…
Les choses n’avaient duré qu’une heure la première fois (c’est-à-dire rien comparé à ce que d’autres ont subi). Mais avec la perte du passeport de Tac à Singapour, son nouveau passeport aux couleurs du Pakistan, les ennuis qu’ont rencontrés diverses personnes lors du renouvellement de visa, je craignais d’y passer quelques heures. J’avais donc tout prévu : le journal local et l’édition nationale, Le Canard enchaîné et mon livre à finir ; le Netbook, histoire de pouvoir et rédiger plein de bêtises et me la jouer en même temps ; une bouteille d’eau, des bonbons, des sandwichs (non, dans mes rêves).
Sauf que.
Sauf que je n’ai eu le temps de rien. Je croyais moi y aller pour faire la demande de visa, puis devoir revenir un autre jour pour le livret : et bien non ! Prasad, le Prestidigitateur de Livrets, le Finaud Renard du FRRO, le Robin des Visas, avait DEJA demandé le renouvellement de mon visa à Delhi depuis un mois (malgré la clause des quinze jours réglementaires). OK. Je m’asseois donc pour attendre. Mais non ! Il faut déjà se relever, passer penaude devant tout le monde pour entrer dans la Salle Obscure aux Tampons, dire bonjour à la dame en sari blanc et noir pied-de-poule (le sari, pas la dame) et lui présenter mes papiers. Il me faut m’asseoir, ce que je fais mais déjà elle me tend mes papiers en m’enjoignant d’aller dans la salle d’attente. D’accooooord, j’y vais. Prasad m’y dit de… m’asseoir. Ce que je refais, regardant mes voisins toujours plus comateux, mais il me faut à nouveau me relever, récupérer un petit papier, retourner dans la Salle, me rasseoir pour me relever et retourner me rasseoir à côté. Pfiou. Quelques minutes plus tard, je ressors ahurie du bâtiment avec le visa renouvelé, le livret tamponné, autorisée à rester en Inde encore un an.
25 minutes.
Rien compris, si ce n’est s’asseoir et se relever. Et que les billets ont sans aucun doute circulé.
Une petite incursion dans la peinture indienne contemporaine : ici, trois oeuvres de Manjit Bawa, « After ’84 », « Woman in blue » et « Untitled ».
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Chouyo, combien ça coûte pour épouser Prasad?
Cet homme, je le veux, il me le faut!
@ Blogi : ben si tu comptes la dot, le repas, la soirée, la robe, le costume, les cadeaux, la commission que je vais prendre et celle de Tac pour récupérer le numéro de Prasad, ça va chercher dans les... oulah, au moins ça 😉 !
Je t'envoie son numéro dès que je l'ai retrouvé !
Prasad c'est le nom du cuistot d'un resto végétarien/indien à Toulouse...
c'est terrible... le coup de la salle d'attente, ça me fait penser à un Agatha Christie ("Rdv à Bagdad"... une scène dans la salle d'attente de l'ambassade anglaise (?)... tiens, faut que je le re-re-re-re-re-lise, j'ai des trous de mémoire...)
@ Daydreamer : mais c'est peut-être le même, héhéhé !
J'ai du le lire celui-là mais il y a longtemps : j'avais envie de m'y replonger mais en anglais pour avoir un intérêt supplémentaire (je commencerais bin par "Le Meutre de Roger Ackroyd", rien que pour le plaisir...).
Je comprends que tu sois traumatisée ! Tu sais que je suis là si tu as besoin de parler. 🙂
@ Madame Kévin : merciiiiiiiiiiiiiiiiiiiihihihi !
Aaaaaaaah, je connais !!! Et le type qui fait tout, j'y ai eu droit à Dubai, c'était chouette, exactement comme tu dis !!!
Mais ailleurs, non. Et en Espagne, c'est moins kafkakaien, mais un peu quand même, et je pars toujours avec un ou deux bouquins, histoire de.
Veinarde d'expat qui bosse dans une bonne boîte !!!
@ Ninon : et oui, les expatriés des boîtes bien implantées en profitent, sans se rendre compte parfois du calvaire qu'endurent les autres. J'étais pas fière, j'avoue, de passer devant tout le monde.
Je crois de toute manière que toute procédure liée à l'immigration est complexe, où que ce soit ; et en France, c'est aussi très difficile.
Ca me fait penser au film Holy Lola !
@ Electroménagère : tiens, je ne connaissais pas ce film ! Woaf, ici, pour adopter on ne pourrait pas par le circuit légal je pense : en Inde, l'administration fait trèèèèèès attention à ce que les parents soient de la même religion que l'enfant, donc essentiellement hindou ou musulman. Pour qu'il n'y ait pas d'émeutes contre des adoptants qui viendraient "christianiser" les enfants abandonnés indiens. Moi, si j'avais voulu ce n'aurait pas été pour christinianiser, mais pour athéiser !!!
Moi je dis, vive les facilitateurs... Malheureusement, il y en a pas pour tout le monde !
@ Oum : non, et le petit réseau se garde bien de diffuser les informations...
J'adore l'étiquette say no to corruption 🙂 excellent ! Et ça va tu te remets de tes sueurs froides ???
@ Océane : en plus, elle a été affichée sur la porte d'un distributeur de billets, héhéhé !
Oui, ça va, les sueurs mentales ont disparu bien vite !
Oh pitin, tu sais que j'ai mes papiers à refaire là. Tu veux pas m'envoyer Prasad..
Je le paye au besoin..
@ Manu : on a toujours besoin d'un Prasad avec soi. Je t'en trouve un, je te l'envoie.
Je te conseille ce film alors, il est très beau et à certains moments très drôles comme justement la quête pour obtenir les papiers pour pouvoir ramener l'enfant !
@ Electroménagère : je note ça dans mes tablettes !