On voit beaucoup Amitav Ghosh. Surtout son nom, en fait : sur les couvertures des dizaines d’exemplaires de ses livres proposés en piles et en rayons dans les librairies indiennes. Si le thème du Palais des Miroirs (The Glass Palace, 2000), son roman le plus célèbre, m’attire nécessairement puisqu’il évoque la Birmanie, j’ai pourtant préféré commencer ma plongée dans son oeuvre par Le Chromosome de Calcutta (The Calcutta Chromosome, 1995), clin d’oeil à cette ville que j’ai tant appréciée.
Le Chromosome de Calcutta, c’est cette quête entrecroisée entre passé et présent sur la malaria, une petite odyssée dans le Calcutta des années 1990 et des années 2000 où Antar, un employé d’une organisation historiciste recensant sans distinction tous les vestiges du passé, retrouve la trace d’un collègue disparu en 1995, Murugan, obsédé par sa théorie inouïe sur la découverte du mode de transmission du paludisme à la fin du XIXème siècle par Ronald Ross.
Et… plouf (le poisson. Pas le chien).
Cela ne prend pas. Oh, bien sûr, le style est fluide, la narration maîtrisée tout comme le sujet (il n’est pas historien et anthropologue pour rien…). Mais la sauce ne prend pas. Les flash-back un peu trop redondants et faciles à mon sens s’ajoutent aux exposés savants dans la bouche de Murugan, et l’on a parfois l’impression d’assister à un cours de l’auteur sur ses lectures préalables à l’écriture du roman. Vous saurez en revanche tout de la recherche sur le paludisme, ce qui en soit est extrêmement intéressant. Les personnages sont typifiés, trop d’ailleurs, d’un côté Antar incrédule et méfiant, de l’autre Murugan illuminé et grandiloquent.
Comme dans un film de série B, les personnages réapparaissent (dommage, on devine à quelques chapitres de la fin ce qui va se passer…), les indices sont semés sans finesse comme si de grosses flèches pointaient vers eux, et le lecteur sait pertinemment qu’il en retrouvera la mention avant la fin du roman : le jeune Egyptien épargné ou le fanal rouge par exemple… Au final, tout se clôt en une boucle parfaite, indiquant à l’instar de la théorie de Murugan que tout est relié, par-delà les siècles. Quant à la théorie elle-même, on se demande vraiment pourquoi Gosh est allé se fourvoyer avec cette idée de « quelque chose de plus haut préside à cette découverte médicale », y mêlant messes noires à l’indienne et transes ésotériques. Il manque juste la tension sexuelle entre une belle héroïne et son ravisseur démoniaque, et l’on aurait eu le parfait roman d’épouvante Pocket des années 1990.
En revanche, une scène sort du lot, réellement maîtrisée, réellement étonnante : lorsque l’écrivain Phulboni passe une nuit à la petite gare de Renupur. La mise en scène fantastique est excellente, la frayeur qui parcourt les lignes intense et se transmet au lecteur : dans la droite ligne du fantastique des XVIIIème et XIXème siècle. Pourquoi le roman entier n’est pas de cette trempe, allez savoir…
Espérons que Le Palais des Miroirs sera de meilleure facture.
très utile cette critique car le nombre de romans consacré à l'Inde sont de plus en plus nombreux..il faut faire une sélection et garder les meilleurs..ce ne sera pas celui là...
@ Chocoladdict : c'est en voyant fleurir les romans indiens ou consacrés à l'Inde que je me suis dit qu'il fallait que j'en parle, en faisant une critique utile (pas juste un résumé), car on a parfois besoin de savoir si oui ou non cela vaut la peine de dépenser 7 ou 8€ pour un livre. Et là, non, effectivement !
ça ne donne pas envie
de toute façon, le thème de la malaria, déjà, en soi...
@ Madame Kévin : et en fait, les explications sur la malaria et la découverte du mode de transmission sont ce qui est finalement le plus intéressant dans ce livre ! J'ai appris beaucoup de choses à ce sujet, notamment sur les tentatives de guérison du stade final de la syphilis par la malaria. Mais on a vraiment l'impression que le reste n'est qu'un prétexte pour enrober ce résumé savant.
Je ne connais pas du tout l'auteur. Et puis comme le dit Madame Kévin, ça donne pas envie. Une sorte de Dan Brown sauce bollywood c'est ça?
Ah sinon j'ai un truc pour toi, parait que Sarko est un pti joueur ... : )
http://www.marianne2.fr/Bling-bling-l-Inde-s-est-trouve-un-hyper-Sarkozy_a182303.html
@ M1 : Amitav Ghosh est un des auteurs indiens les plus célèbres depuis une dizaine d'années. Il écrit quand même mieux Dan Brown (j'avais lu le "Da Vinci Code" dans un moment d'égarement ferroviaire) mais sans rien de Bollywood (il vient de Calcutta) : je suis en train de chercher à qui il peut ressembler, et je ne trouve pas !
Pour le lien, hahaha !, c'est une histoire qui a fait couler pas mal d'encre ici, j'ai a-do-ré !!! Ces deux ministres, dont Shashi Tharoor un écrivain reconnu (dont j'ai abhorré le livre "Show Business"), logeaient notamment dans des hôtels palaces de Delhi. Dans la droite ligne de la représentation maharajaesque du pouvoir... manquent plus que les éléphants (pas ceux du PS, non...) !
[...] L’avis de Chouyo [...]
Je ne connais pas l'auteur, mais je ne demande qu'à connaitre 🙂 des fois on est surpis. Sortie de VS Naipaul et de Vikram Chandra, je ne suis pas très au fait de la littérature indienne, hélas.
@ Oécane : tu trouveras quelques idées sur mon ancien blog dans la rubrique "Livres sur l'Inde" (http://chouyovadrouille.canalblog.com), je te conseille particulièrement Rohinton Mistry, Salman Rushdie et Vikram Seth.
... je l'avais acheté en son temps, sur la base de la 4e de couverture, parce que ça avait l'air chouette et que c'était soldé. Votre commentaire me suggère que la prose est aussi soldée... il faudra que je me fasse un avis tout seul! Prochainement, peut-être... Enfin, merci de votre billet.
@ Daniel Fattore : bienvenu ! J'ai eu le même geste, je trouvais le sujet intéressant. Mais peut-être ne l'ai-je pas lu au bon moment ? J'attends votre avis !
j'ai adoré le livre mais j'ai été perplexe à la fin, avec le sentiment de ne pas avoir compris, pour cette raison j'ai cherché l'avis d'autres lecteurs.
Je vous conseille vivement la trilogie d'A. Gosh Un océan de pavots. Magnifique et envoûtant.