C’est un article dans le Marianne* de cette semaine qui m’a donné envie d’évoquer la propension de notre Omnicolas national et d’autres à mésuser des références, des noms et des citations historiques. Un livre, un collectif, des interventions d’éminents historiens ont passé récemment au crible le discours sarkozyen pour réfléchir sur son utilisation corrosive à bien des égards de l’histoire française, qu’il voit comme une bibliothèque inépuisable, mais surtout monolithique, immuable et monosémique. Le contraire même de ce que six siècles de critique historique ont permis de comprendre de l’histoire française.
As-tu ressenti ce trouble, toi aussi, à l’écoute de ces citations ronflantes, de ces noms lancés avec les effets de manche requis ? Je n’avais pas mis de nom dessus, je n’avais pas encore compris pourquoi à chaque fois que l’Omnicolas évoquait Jaurès ou de Gaulle, cela me révoltait. Non parce que je crois en un monopole historique : personnages et événements n’appartiennent à personne, à aucun parti, et aucune institution ni aucun historien n’a l’exclusivité de leur interprétation. Ou le fin mot de l’histoire (mouahah !). Toutes les hypothèses apportées au débat, quand bien même seraient-elles multiples et contradictoires, sont intéressantes si elles reposent sur des fondements logiques, rationnels et problématisés.
Le trouble vient donc d’ailleurs. Et si ce n’est le fond, c’est donc la forme !
Te rappelles-tu ?
« Blablabla, blablabla. La paix dans le monde, c’est un truc super grave et important. C’est clair. Et puis Platon le dit, les idées dans la grotte elles sont pas la réalité. Alors la paix elle est pas réelle mais elle devrait l’être. Et Montesquieu, il s’est pointé ensuite et il disait un truc hyper compliqué mais qui ressemblait à queque chose du staïle « si on se donne la main, on peut faire avancer les choses »… ».
Oui, toi aussi tu as peut-être écrit ça. Ou bien tu l’as lu et tu as tenté de comprendre comment de ton cours ou du cours d’un autre pouvait sortir une telle bouillie informe, grotesque, de références manipulées et sollicitées à tort et à travers.
La bouillie des connaissances rapidement survolées, mélangées, régurgitées. Sans queue ni tête, sans que la référence et la citation soient opportunes. Sans surtout qu’une étude préalable, qu’une intelligence des choses, préside (héhéhé !) à leur utilisation. Parce que l’oreille a entendu une fois qu’il faut citer des noms et des phrases, que cela fait bien et que le faire c’est s’attirer les bons points du prof. Mais il y a pire, finalement. Il y a aussi ce moment où :
» Blablabla, blablabla. Louis XIV s’est présenté le 15 juillet 1685 à 12h34 à la petite porte de son cabinet de travail pour y rencontrer M. de X. A 16h18, il ajouta du poivre à son chocolat qu’il mouilla de lait, et rencontra Mme de *** « .
Qu’en est-il en d’autres disciplines, je ne sais (je rigole : j’ai bien ma petite idée…) : en histoire en tout cas, c’est très simple. Quand on a un peu avancé dans sa réflexion historiographique (allez, bac+2 maximum ?) on comprend que les dates, la chronologie, les « grands noms » et les « grands événements » ne sont rien ; que la problématique, la mise en perspective, l’interrogation des évolutions et des non évolutions sont tout. Oui, cela sonne comme un oukaze, et je le revendique. J’ai trop entendu cette réflexion des plus idiotes : « ah, tu fais de l’histoire ? Tu dois avoir une bonne mémoire…« .
Si ce n’est pas ce que l’on attend (quel dommage !) d’un élève jusqu’au bac, il est plus déroutant de ne trouver aucune profondeur historique dans les discours de nos dirigeants qui prétendent à une certaine vision de la France, de son passé, de son présent et de son avenir. L’impression étrange d’entendre de la bouillie histrionique plus qu’historique.
De l’argument d’auteur en pagaille donc : Jaurès l’a dit. Donc c’est vrai. Donc je l’utilise, quel que soit le contexte. « Je me reconnais dans Jaurès » : ouais, moi aussi, à fond. Surtout quand il reluquait grave les pommes dans le jardin des voisins : moi, ça me fait pareil avec les Dragibus.
C’est finalement cela qui m’a dérangée dans l’abus que fait l’Omnicolas des références prétendues historiques : l’impression de relire des copies médiocres d’élèves, copiées-collées de Wikipédia, de celles où l’auteur ne s’est vraiment vraiment vraiment pas foulé et qui croit que l’histoire, en tant que discipline, c’est parler de grands noms en y accolant des dates. Où comment se fourvoyer historiquement, intellectuellement et politiquement.
* Alexis Lacroix, « Quand Sarkozy réécrit l’histoire de France », Marianne, n° 649, p. 80.
Comme il ne doit pas écrire ses discours, il ne doit rien comprendre quand il les lit devant tout le monde.
Tu crois qu'il pose des question avant, après, ou jamais ?
"Ah ? t'as fait histoire ?" (t'as vu j'ai rien dit, moi aussi) 🙂
Et oui. Malheureusement, les raccourcis historiques approximatifs, il n'est ni le dernier, ni le premier à les utiliser.
L'histoire, c'est comme les chiffres, on peut leur faire raconter ce qu'on veut..
Je trouve qu'ils le font tous (les politiques) : utiliser les mots des autres (généralement ceux qui ont "bonne presse" auprès des masses populaires afin d'être un peu associé à leur image).
Je pense que le problème est ailleurs. Lorsqu'on apprend l'histoire en classe, on n'en a pas du tout envie. C'est inculqué comme du "par coeur", d'ou certainement les réflexions que tu as du entendre.
Ce n'est que plus âgé que tu t'intéresses à l'histoire, non pas pour apprendre qui gouvernait la France en 1515, mais pourquoi il y a eu guerre, victoire, élargissement des frontières etc....Apprendre en fait ce qui a fait de la france le pays d'aujourd'hui. J'essaie de dire ça à mes neveux, de les intéresser à l'histoire et de leur sortir de la tête que c'est du par coeur. Mais à mon avis il fuat changer les profs.
@ angelita le prpbleme, c'est que justement, si, c'est lui qui les écrit. Peut être pas tout seul ( merci les conseillers en com) mais en grande partie tout de meme. Enfin il parait qu'il s'en vante...
@ Mao, je ne pense pas qu'il soit assez intelligent quoi que pour débiter des conneries, il est très bon à ce jeu là et là il n'a pas besoin de conseillers
Le Nain Vagal ne sait pas aligner 2 mots de français correct, il écrits à peine son prénom, mais sait très bien s'entourer, même si son conseiller au nom de fiente d'oiseau écrit souvent de la merde justement.
Oui, je les aime pas.
C'est fort ici ce soir !
Moi je regarde Penelope Cruz et je la trouve très belle.
Quant à Nicolas je le trouve super con-vainquant, j'ai été émue par son discours de l'autre soir ! j'aurais presque pu voter pour lui....si il y avait eu des érections ces jours ci... mais Carla a tous les droits, cependant ce n'est pas elle qui l'influence, d'ailleurs maintenant il lit "A la recherche du temps perdu", et il appelle Carla sa Madelon, va savoir.... il lui a déjà demandé à boire le jour de la journée de la femme ce qu'elle s'est empressée de faire, lui servir une tasse de thé dans laquelle elle s'était trempée auparavant et ainsi Nicolas a remonté le temps, changé de courant s'est pris les doigts dans la prise et pschiiiiitttt a pu ! on le remplace par qui ? May day May day May day, pan pan pan, pan pan pan, sécurité, sécurité, sécurité, y'a personne en face.... ils se déchirent, se haïssent, tandis que les autres se haïssent sans se déchirer mais quand ça va péter, ça va péter !
Ce que j'aime chez lui, c'est qu'il parle comme il cause mal !
Bon je dis des bêtises....
Rien ne s'invente tout se répète on appelle ça l'automaton dans certaines disciplines... bon enr'voar !
Nicolas c'est aussi un intellectuel qui puisent chez les grands penseurs. Ainsi, sa célèbre phrase "la France tu l'aimes ou tu la quittes" n'est autre qu'une phrase inspirée d'un discours de l'ancien dictateur brésilien Getulio Vargas ou il disait "le brésil, il faut l'aimer ou le quitter" ... une référence claire, nette et précise !
@ Angélita : en fait, je pense qu'il est sans doute assez imbu de lui-même pour vouloir mettre un peu la main à ses discours. Les références, ce doit être son conseiller culturel (ou C. B. ?) qui les lui suggère ? Le reste doit êttre pioché dans le manuel des "discours parfaits"...
@ Electroménagère : je m'étais d'ailleurs demandée combien nous étions à avoir fait des études d'histoire sur la blogosphère, parce qu'on est assez nombreux en fait !
@ Manu : tout à fait. Mais pourquoi les gens, même ceux qui ont fait des études, se laissent-ils encore avoir ??? Ouinnnn....
@ Pimousse : c'est ce qui est très bizarre, cette manièe d'enseigner l'histoire a été abandonnée il y a des années.Et pourtant, j'ai l'impression qu'elle continue insidieusement (j'ai vu aussi les parents faire apprendre les leçons à l'ancienne). Et puis il faut dire que c'est plus simple de pointer aux élèves des dates et des noms à apprendre plutôt que des processus, des évolutions.
Enfin... L'impression de se battre contre des moulins...
@ MaO : j'aurais tendance à croire cela. Qu'il en écrit la trame pour au moins insuffler son style. Après que ce soit pompé sur des discours préalablement proposés par des conseillers, et affublés de références indiquées par les mêmes conseillers, ça me semble aussi bien le genre, héhéhé !
@ Océane : voilà, tout à fait. L'ère de la politique besogneuse et assistée. Je ne les aime pas non plus.
@ Ckankonvaou : au début, j'ai eu du mal à resituer le rôle de Penelope Cruz dans tout ça, mais ensuite cela m'est devenu plus clair 🙂 !
Mais j'irais même jusqu'à dire que ses discours sont le reflet de sa manière de causer : je suis sûre qu'il réadapte les modèles proposés par des conseillers avec ses "phrases chocs", simplificatrices à outrance.
@ M1 : tant de concision, d'effet, d'implications en une seule phrase, cela ne pouvait venir que d'ailleurs ! Merci pour cette précision, je ne savais pas.