En Inde, on tire un revenu de tout. On essaie en tout cas. Je ne crois pas connaître un pays où l’utilisation des déchets entre aussi profondément dans le circuit économique, formel et informel. Toutes les ordures sont triées, retriées, fouillées depuis la nuit des temps semble-t-il (ou presque). Les raisons pour lesquelles ces hommes et femmes s’assoient la nuit venue au milieu des poubelles déversées, les raisons pour lesquelles ces gamins repartent les bras chargés de déchets plastiques de la décharge du coin, les raison qui amènent ce démarcheur à ma porte régulièrement pour récupérer tout appareil électronique, n’ont rien à voir avec l’environnement. L’environnement, on s’en soucie quand on a les moyens de manger à sa faim.
Un exemple. Les journaux.
Nous recevons chaque matin une sélection à notre porte, livrée entre 5h et 6h : l’Indian Express, le Mumbai Newlisne et l’Economical Time. Par mois, cela nous revient à 250 roupies environ (3,20€), alors on ne s’en prive pas. Il faut dire que pour un Occidental, les journaux et revues semblent presque gratuits ici (compter 2, 3 ou 4 roupies pour les grands journaux du type Times of India, entre 20 et 100 roupies pour des revues et magazines, soit 0,30€ à 1,30€). Les journaux et revues s’accumulent donc chez chacun. En France, je les aurais jetés à la poubelle (verte bien sûr) pour qu’ils soient, je l’espère, recyclés. Ici, que nenni ! La récupération rapporte son écot.
Comme les textiles, les objets contenant du métal ou le matériel électroménager, les journaux sont donc récupérés : pour ma part je les donne à la femme de ménage de l’immeuble qui touchera 4 roupies par kilo de journaux. Ce n’est rien, mais c’est beaucoup. Ce matin, je lui ai donné cinq kilos de journaux reçus ces dernières semaines, elle a l’air contente.
Ces journaux, on les retrouve ensuite sous différentes formes : le papier recyclé, bien sûr. Mais ils deviennent aussi emballage, puisque les différents chaat (en-cas) que l’on déguste dans les rues ou dans les petites échoppes les utilisent pour ne pas tâcher les mains et vêtements avec la graisse. Ne crions pas d’effroi : malgré le papier et l’encre, vue la propreté des mains (des miennes aussi) et des écuelles en métal, à un moment donné on choisit…
La chaîne de magasins Fabindia (que tu connais pour ses textiles et ses produits de beauté) utilise quant à elle des sacs formés de journaux récupérés encollés : quand tu ressors, tu peux donc porter tes achats et t’instruire en même temps. On peut même s’en procurer ICI !
A la différence de la Chine, où le recyclage est devenu une mâne pour certaines villes du Guangdong, l’aspect qu’il revêt en Inde est différent : moins industriel, dénotant plutôt du castéisme et du politique. Etonnant. Les personnes qui trient les ordures, ramassent les déchets, récupèrent les détritus et les encombrants, appartiennent bien évidemment à des castes inférieures. Qui ont, pour survivre, fait et font preuve d’une inventivité exceptionnelle pour gagner un peu d’argent avec ce que les autres laissent derrière eux… Ici, recycler est nécessaire pour continuer à vivre.