J’ai découvert Oz il y a sept ans avec ma colocataire de l’époque, et j’en suis encore toute retournée. Rien à voir avec Le Magicien d’Oz, bien que la référence soit évidente. Une série faite de tensions, d’angoisse, de coups et d’une absence absolue de morale et de justice. Une série qui se veut à l’image de la vie en prison, certes, mais surtout de la vie en société. Une série où, non, il n’y a pas de merveilleux monde en Technicolor qui attend de l’autre côté…
Quoi que c’est : Oz, pour Oswald State Correctional Facility, est une prise d’Etat américaine qui contient un quartier expérimental de haute sécurité, Emerald City. Expérimental parce que son concepteur, Tim Mc Manus, tente d’y créer une interaction sociale maximale et un partage des tâches entre les délinquants les plus endurcis et d’autres détenus moins difficiles, afin de préparer la meilleure réinsertion sociale possible. Ce microcosme reproduit très rapidement les équilibres et déséquilibres de la société américaine, groupes soudés pour maintenir (ou non) un semblant de règles : les Irlandais, les Latinos, les Italiens, mais aussi les aryens, les homosexuels, les chrétiens, les musulmans et d’autres « bandes » qui tâchent d’asseoir leur pouvoir comme dans la rue. Ceux qui restent tentent de survivre au gré des alliances.
Une série étonnante et des plus abouties. Vraiment. D’une violence et d’un réalisme inouïs, mais qui n’ont rien de gratuit : son créateur Tom Fontana travaille bien, très bien même, et veut faire réfléchir le spectateur. Comment s’intégrer dans la jungle, urbaine ou carcérale, quand la seule loi qui fonctionne est celle du plus fort ? Serions-nous celui qui plie ou celui qui fait plier ? Pourrions-nous nous autoriser un quelconque troisième choix ? Il cherche aussi à brouiller les pistes et à faire comprendre à quel point les catégories morales sont flexibles, et même pour le spectateur. Parce qu’au gré des épisodes les prisonniers mourant tour à tour, on se prend à se raccrocher à des personnages parce que l’on en a BESOIN : la tension est palpable, le spectateur halète, il FAUT un référent, il faut au moins pouvoir se rassurer en se disant que LUI il sait où il va. Bien que… où va-t-il réellement ? Aucune n’est un héros, même pas ceux qui tentent de conserver des principes ; et sûrement pas les gardiens non plus…
Le personnage d’ouverture, le prisonnier en fauteuil roulant Augustus Hill, est une bonne métaphore de cette moralité floue qui est l’essence même de l’humanité : il semble introduire à chaque début épisode un fil conducteur expliquant le pourquoi du comment. Mais il s’avère que ce repère moral, presque affectif, est vicié dans cette lutte pour la survie. Tous peuvent flancher, ceux qui ont des principes, ceux qui n’en ont pas, ceux qui paraissent « gentils » et ceux qui paraissent « méchants ». Une réflexion sur le milieu carcéral est bien évidemment à l’oeuvre dans cette série (conditions d’incarcération, peine de mort, drogue, servitudes sexuelles, meurtres…) et n’allons pas croire dans une vision angélique du monde que seules les prisons américaines sont concernées. Mais Oz est aussi une réflexion sur l’homme, brillante : car l’état d’une prison et le traitement des prisonniers reflète bien l’état d’une société et de la place qu’y tient l’homme…
Quant au générique ? Il correspond exactement à ce qu’est la série : une suite de scènes dans différents lieux d’Emerald City où les hommes sont aux prises les uns avec les autres, manipulés et manipulateurs. Des percussions décousues, chaotiques, cette lutte de chaque instant pendant que la lente et longue basse du saxophone (baryton, basse ?) comme la routine carcérale quotidienne hachée par les appels stridents du saxophone soprano, les horaires et tâches à respecter et par les meurtres. La phrase musicale, l’harmonie n’existe pas : les cris, les coups, c’est tout. Dans le générique, les scènes de violence à Em City se superposent à une scène de tatouage. Un homme (Tom Fontana en réalité) se fait tatouer « Oz » sur le bras. Douleur et fierté qui se mêlent, dans la série comme dans la réalité, qui poussent à agir bien plus que tout autre principe, toute religion, toute morale. Comme Tom Fontana, comme les prisonniers d’Em City, le spectateur ressort d’Oz marqué.