Au thème nettement plus guilleret que les précédentes séries dont j’ai parlées, ce générique de Sex and the City est un modèle très fin années 1990 : flashs d’images d’une ville parallèle au personnage principal sur une phrase musicale très simple. Il fait partie de ces génériques que j’ai attendus avec impatience pendant deux ou trois saisons, j’adorais la série, quand tout à coup, je ne pouvais plus le voir en peinture ! La série n’a alors plus tardé à m’horripiler…
Quoi que c’est : Sex and the City est le nom d’une chronique que tient Carrie Bradshaw dans un grand journal new-yorkais. Elle y couche ses réflexions sur les relations sexuelles et affectives entre les hommes et les femmes, à travers sa propre expérience : avec ses trois amies, Miranda, Charlotte et Samantha, elles évoquent leur vie sexuelle et leurs tourments amoureux de célibataires (endurcies mais qui ne cherchent en fait qu’une chose, l’homme idéal voire le prince charmant) au sein d’un univers fait de jet-set new yorkaise, de haute couture, d’hommes et surtout d’elles-mêmes.
Tu l’as compris, la série m’a agacée tout à coup. Et pourtant, je l’avais trouvée novatrice, détendante et très drôle. Je ne sais pas pourquoi : peut-être ai-je pris tout à coup conscience que rien n’est crédible dans cette histoire ? Que sous des dehors « parlons crûment de sexe entre femmes » et ayons des réflexions profondes, le propos était en réalité on ne peut plus conventionnel et respectueux de la morale ? Ou bien que, finalement, cette série ne parle que d’argent (combien de Manolo Blahnik vais-je pouvoir acheter ce mois-ci ? dans combien de restaurants huppés vais-je encore pouvoir manger ?) ? Je ne sais pas.
Il reste que le générique rend très bien compte de cette atmosphère double, du conventionnel sans tabou : percussions et piano rappellent avec légèreté que le propos est détendu et sans a priori. Avec Sex and the City, le spectateur sait qu’il explorera avec humour la part la plus sympathique de la vie, le sexe, dans une ville sans limite. Gros plans sur le large sourire de plaisir de Sarah Jessica Parker au milieu de la rue, au milieu des vues d’ensemble sur les gratte-ciel de New York, ville des possibles. Elle jouit d’elle-même, habillée avec goût et originalité, au milieu d’une ville à son image.
Et, à mesure que le générique avance, les plans sur l’univers de la série se rétrecissent : des bouts d’immeubles à l’architecture complexe, une roue de taxi ; en contrepoint, la présence de l’héroïne grandit. Du sourire au portrait, puis coupée aux trois-quarts puis en pied, il y a un phénomène de vases communiquants : moins la ville est visible, plus Carrie Bradshaw l’est ; moins elle parle du monde, plus elle parle d’elle-même. Le générique finit par conduire à l’héroïne debout au milieu du trottoir, dans sa jupe ballerine hors de prix telle un ersatz de Marilyn Monroe, éclaboussée. Le fauteur de trouble ? Un bus. Un véhicule des transports en commun (dont c’est, je crois, la seule occurence), sur lequel est placardée une publicité pour sa propre chronique.
Qui est le titre éponyme de la série. Mise en abyme, de moi à moi, moi heureuse et satisfaite de moi-même qui est ramenée à la réalité, mais pour voir à quel point je suis célèbre… Le générique indique finalement clairement que la série ne parle de rien d’autre que de « moi-moi-moi-moi » tout en prétendant réfléchir aux problèmes qu’ont les gens à se parler, se plaire, se faire plaisir. Ce quatuor évolue hors du monde, dans un ailleurs où tout ce qui fait tâche au propre comme au figuré dérange et a été supprimé. Cela doit être ça qui a fini par avoir raison de mon intérêt : j’aurais du regarder le générique avec plus d’attention dès le début…